
Je ne fais pas grand chose d'autre sur ce blog que commenter l'actualité, et récemment, l'actualité, c'est l'autorisation qu'
une lesbienne a reçu d'adopter un enfant. Pour simple rappel, elle adopte en tant que célibataire, chose que les homosexuel(le)s pouvaient déjà faire. Avec difficulté peut être, mais j'ai moi même connu un couple d'homosexuelles qui avaient adopté chacune un enfant, et ce avant la quarantaine, ce qui prouve que la procédure s'est pour elles faite dans les délais habituels (longs, mais habituels) et sans le moindre battement médiatique. Peut être qu'elles ont obtenu cet accord en cachant leur situation de couple - mais j'en doute. Et pourtant, ces enfants étaient là, je ne les ai pas rêvés.
Le plus probable pour expliquer le refus qui avait été opposé à Emmanuelle B. est donc... que les raisons données étaient purement sincères et réalistes.
"Votre projet d'adoption révèle l'absence d'image ou de référents paternels susceptibles de favoriser le développement harmonieux d'un enfant adopté, note-t-il.
Par ailleurs, la place qu'occuperait votre amie dans la vie de l'enfant n'est pas suffisamment claire."
Bref, ce qu'il y a de nouveau dans ce cas, ce n'est pas qu'une lesbienne élève un enfant, ni même en adopte un, mais c'est ça:
"Cet arrêt de principe rendu par la Cour siégeant en grande chambre marque un tournant dans la jurisprudence européenne."Ce n'est pas avec cet article que je remporterai une adhésion facile, pour cela je devrais me contenter de me moquer des poulpes de Fadela Amara, mais je vais malgré tout essayer de commenter le sujet, en distinguant trois points:
Le premier est l'adoption. Je ne suis a priori pas favorable à l'adoption d'enfants d'autres continents, mais je pense qu'il y a une bonne réserve d'orphelins en Russie. Il semble normal de les confier avant tout aux personnes les plus normales: ça veut dire les couples hétérosexuels d'abord. Si jamais il restait encore des enfants à adopter, là oui, je serais favorable à ce qu'ils sont confiés à d'autres "cas de figure". Ce qui veut dire, dans ma tête: les lesbiennes avant les gays, et les gays avant les célibataires.
Car on en parle rarement, mais les célibataires hétérosexuels peuvent adopter aussi: et cela me semble encore bien plus grave pour un enfant qu'être élevé par deux femmes. Même sans référent masculin, l'enfant peut au moins voir deux adultes être en couple, interragir, prendre des décisions ensemble, se garder du temps à part, ce genre de choses qui font la vie de famille ; c'est plus sain à mes yeux qu'un rapport mère-enfant exclusif. A moins, peut être, que l'enfant ne soit déjà assez âgé, mais là j'entre dans des détails et je suis très loin de mon domaine de compétence.
Le deuxième point est "l'homoparentalité" par d'autres biais que l'adoption. Ca peut être les enfants d'un précédent lit, ou des arrangements entre amis, jusqu'aux cas extrêmes type: "je me suis prostituée pendant des années, j'ai trouvé une copine, et j'ai choisi un client avec qui enlever la capote pour tomber enceinte" (oui, je l'ai entendu, quant à savoir si c'est vrai je ne garantis rien).
Sur ce sujet là, je ne pourrai que ressortir le vieux refrain: ça existe, et c'est tout. Il y a des homosexuels qui se marient et quittent leur femme pour un homme plus tard, j'en ai rencontré toute une floppée. (Et vice versa, mais je n'en ai pas été témoin.) Dans ce cas là, il n'y a pas de questions particulières à se poser: l'enfant a un père et une mère, et la manière dont il accepte ou n'accepte pas l'homosexualité de l'un d'entre eux est une affaire familiale privée. Je classe dans la même catégorie les amis qui se mettent d'accord pour avoir un enfant: il y a un père et une mère, et si il y a aussi un beau-père et une belle-mère ce n'est pas une raison pour leur conférer davantage de droits qu'à des beaux-parents classiques. Dans certains cas, parler de famille homoparentale est même un abus de langage: j'ai connu une femme hétérosexuelle qui avait eu un enfant avec un ami gay - elle ne se sentait pas du tout concernée par le terme...
On me dira qu'il y a aussi l'insémination in vitro: il s'agit des cas où une homosexuelle va faire un tour en Belgique pour collecter du sperme anonyme et revient avec un petit belge dans le ventre. (Vous pouvez toujours lire
et elles eurent beaucoup d'enfants, sur le sujet.) Les problèmes moraux qui s'attachent à cet anonymat du père sont très compliqués, mais ils concernent aussi les couples hétérosexuels qui ont recours à cette solution. Quant à la situation problématique sans cesse évoquée, qui est que la belle-mère n'a pas de droits sur l'enfant, je ne suis pas sûre que ça mérite de légiférer. Le cas extrême serait que la mère décède et que la belle-mère se voit retirer la garde: mais est-ce que ça arriverait sans bonnes raisons dans l'Europe actuelle? Je ne crois pas.
A part la PMA où le père est vraiment anonyme et invisible, il y a tout cet éventail de cas particuliers, tous ces gens qui ont trouvé une solution pour avoir les enfants qu'ils désiraient, parce que, tout bêtement,
on ne peut pas les en empêcher. Ca ne veut pas dire qu'on est forcé de tout démolir et remonter dans le désordre pour les arranger non plus, je suis d'accord : ils peuvent rester des cas particuliers par rapport à une norme. Mais je ne peux pas prétendre désapprouver alors que je sais très bien que même si je faisais ma vie avec une femme, j'aurais des enfants, coûte que coûte.
Et on en arrive à la troisième et dernière partie de ma réflexion, qui est: le matriarcat. Parce que à mes yeux, le sujet n'y est pas lié, mais depuis que l'histoire d'Emmanuelle B. fait son petit chemin sur internet, les blogueurs hurlent (encore) que nous assistons à l'instauration du matriarcat.
Basons nous sur l'affaire en elle même. Une femme va élever un enfant sans homme: la belle affaire, ce n'est rien de neuf. Ce qui est important, c'est que ce n'est pas arrivé par accident, c'est arrivé parce que la cour Européenne a dit qu'une présence paternelle n'était pas indispensable. Exclamations de rage: l'image du père est baffouée, la virilité reçoit un coup de plus, etc. Mais la Cour Européenne a-t-elle vraiment dit cela? Non, elle a dit, soyons exacts
: "L'absence de référent paternel ou maternel ne pose pas nécessairement problème en soi". Et je suis supposée avaler que ça, c'est le matriarcat?
Récemment, dans le même ordre d'idées, un ami me disait (je résume et déforme sans scrupules): "Le matriarcat ce serait vraiment nul, regarde nos femmes politiques, elles sont encore plus connes que les hommes." Mais là encore, est-ce que Ségolène Royal au second tour des élections, c'est l'avancée du matriarcat? Absolument pas. C'est une femme qui a fait son chemin dans un système patriarcal, et pour cela, il a fallut qu'elle ait les mêmes armes que les hommes, exacerbées même: l'ambition, l'aggressivité, et j'en passe.
Tout cela, ce n'est pas le matriarcat, c'est toujours le patriarcat, mais qui se pète la figure. La négation de la différence des sexes, ce n'est pas le matriarcat. Les femmes politiques plus détestables que leurs collègues masculins, ce n'est pas le matriarcat. Pas plus que la défense des sans papiers n'est le christianisme. Pas plus que la Halde n'est la République. Pas plus que les "jeunes" ne sont des jeunes, ou la "diversité" la diversité. C'est un mot de plus privé de sens, sauf que cette fois-ci, ce n'est pas par les mêmes.
Et tout comme je ne vais pas oublier ce qu'a un jour voulu dire tolérance sous prétexte que ce mot a été dévoyé, tout comme je sais que je ne suis pas xénophobe même si on essaie de me le faire croire, je ne vais pas me mettre à acclamer le patriarcat parce qu'on prétend que la seule alternative possible serait un fouillis sans repères et sans sens.
Pour un exposé plus précis de ce qu'on devrait appeller matriarcat, je refilerai la corvée à Félix le chat dès que je pourrai. Il n'avait qu'à pas raconter que je suis une petite conne et qu'il m'a tout appris, ce sale misogyne.