lundi 2 août 2010
Le poulpe et le chaman
Comme à mon habitude, je me suis tenue aussi loin que possible de la frénésie footballistique cette année. Cependant, durant quelques jours (suite à des circonstances indépendantes de ma volonté...) j'ai pris tous mes repas devant une télévision allumée en juillet. Et évidemment, cela voulait dire du foot. Beaucoup de foot. Et la célébration de l'Allemagne victorieuse.
Voilà ce que je retiens d'une soirée de plongée dans cet univers inconnu.
D'abord, il y avait le poulpe qui prédisait l'issue des matchs. J'avais été assez surprise qu'on prenne ce genre d'augures, mais c'était amusant. Si il n'y avait eu que ça...
Ensuite, il y avait eu un "reportage" sur l'équipe d'Allemagne qui avait vanté ses joueurs de tant de nationalités différentes, ce symbole d'une immigration bien intégrée et enfin acceptée, cette richesse, etc. L'Allemagne "découvrait enfin la vertu du football métissé". (Bizarrement on n'a plus entendu parler de cette vertu quand ils ont été vaincus.)
Ce reportage n'avait rien de surprenant, mais j'avais tout de même été frappée par son caractère incantatoire. On était censé comprendre que l'Allemagne avait gagné parce-qu'elle était métissée, et donc, par simple retournement, que la victoire de l'Allemagne prouvait la supériorité du métissage. Il n'y avait rien de raisonnable là-dedans, aucun lien logique entre les parties de la démonstration, aucun argument qui justifierait en quoi le métissage ferait gagner une équipe.
Et pour cause, comment le justifier ? Il faudrait dire que les hommes de couleur sont de meilleurs sportifs. On ose d'ailleurs un peu le dire, mais avec des pincettes. Alors, affirmer clairement que le métissage est Bien et que c'est cette supériorité morale qui confère la victoire ? Ça passe beaucoup mieux si on ne fait que le suggérer.
Rien de surprenant dans le fond, donc, mais j'avais été frappée par le caractère magique de cette éloge.
Et puis était arrivé le récit des aventures capillaires de je ne sais plus quel joueur. Eh oui, expliquaient les présentateurs, il avait eu une barbe, et l'équipe perdait, il l'avait rasé et ils avaient gagné, alors il avait continué à la raser, et ils avaient encore gagné.
Je suppose que c'était de l'humour, mais ça aurait aussi bien pu ne pas en être : il n'y avait pas de rires enregistrés, de grands sourires appuyés de clin d’œil. Juste cette série d'absurdités, et le spectateur le prenait comme il le souhaitait.
Là, entre le poulpe devin, le métissage magique et la barbe porte-poisse, je me suis dit que ça faisait tout de même beaucoup pour une seule soirée de football à la télé.
Je ne sais pas si c'est nouveau, d'où ça vient, ni ce que ça signifie profondément. Mais voilà ce dont je suis à peu près sûre : nous ne sommes pas plus rationnels que les africains qui payent des sorciers assurer la victoire de leur équipe. Sauf que eux affirment croire à la magie, et nous prétendons que "c'est juste une blague"... Jusqu'au jour où ça n'en est plus du tout une.
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Le métis est l'aryen moderne comme tout le monde sait.
RépondreSupprimerEt c'est d'autant plus cocasse lorsque cette apologie du métis est faite en Allemagne !
Donc, si j'ai bien tout suivi, ils ont rasé un poulpe et c'est pour ça qu'Hitler est devenu chancelier en Allemagne ?
RépondreSupprimerJ'ai de plus en plus de mal à suivre les blogs, moi...
Heho ? Y a quelqu'un qui lui dit que c'est l'Espagne qui a gagné la compète ?
RépondreSupprimerCorto : Elle ne l'a peut-être pas assez clairement indiqué, mais au moment où elle regardait la télé, c'était les quart de finale. D'où l’idolâtrie autour de l'Allemagne.
RépondreSupprimerDidier : Non, c'est le poulpe le chancelier.
Jean-Pierre : En effet... Je pense d'ailleurs que c'est un peu voulu, il y a une sorte de revanche sous entendue : ces salauds de nazis se sont enfin métissés et ils sont récompensés par les dieux du foot pour avoir tiré un trait sur la race aryenne.
MDR grace a didier Goux.
RépondreSupprimer@Clarissa: quel beau blog!
Ah cette équipe allemande était très "épicée". Plein de polaks !
RépondreSupprimerLe Mazique ! ...c'est comme Harry Potter , ça fait désormais partie de notre nouveau patrimoine génétique médiatisé ...
RépondreSupprimerAh, mais au risque de me faire des ennemis, je préfère avoir Harry Potter que le poulpe dans mon patrimoine !
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