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samedi 17 juillet 2010

Avortement

Un article intéressant qui vient d'ici.


Je me suis posée des questions. Mais le droit d'une femme de choisir son propre style de vie passe avant tout.

Dans le « Cradle Tower » de la Tour de Londres une exposition interactive demande aux visiteurs de voter pour dire s'ils sont prêts ou non à mourir pour une cause. Mmm, voyons. J'aime les dauphins, mais si on en venait vraiment à un choix, adieu Flipper. Je suis prête à invectiver un juge de ligne uruguayen lorsque mon pays m'appelle, mais je ne suis pas prête à me prendre une coupure avec du papier pour l'Angleterre, sans même parler d'une balle.

Debout dans le lieu où les martyrs religieux ont été retenus et torturés pendant la turbulente réforme britannique, je ne pouvais penser qu'à une cause pour laquelle je serais prête de jouer ma vie : le droit d'une femme d'être éduquée, d'avoir une vie au-delà de son foyer et de se voir reconnaître par la loi et par la coutume d'ordonner sa propre vie comme elle l'entend. Et cela inclut le contrôle complet de sa propre fertilité. Mais quelque chose d'étrange affecte cette croyance qui a constitué pendant tant de temps le cœur de mon être : ma certitude morale à propos de l'avortement vacille, ma position absolutiste est assiégée.

Ce n'est pas un bébé, c'est un fœtus, bande de militants de Dieu, aurait balancé la moi adolescente aux pro-vie. C'est le corps de la femme, et son choix, point, aurais-je proclamé en n'importe quel patois qu'on utilisait à cette époque-là. Le rapport du Collège royal des gynécologues et obstétriciens publié la semaine dernière et affirmant que le fœtus humain ne peut pas ressentir la douleur avant 24 semaines aurait été triomphalement brandi devant quiconque aurait croisé mon chemin, avec une invitation à apprendre ce que signifie la douleur. Car il ne s'agit pas, voyez-vous, d'un débat rationnel, mais d'un débat tribal tout de passion et de vitriol.

Survint un bébé, et tout changea. Je pense à cela comme à l'énigme d'Anna Karenine. Si vous avez lu ce livre-là adolescent, vous aurez soutenu tous ses choix avec la passion de la jeunesse. L'amour avant les conventions, vas-y Anna ! Après quoi vous avez des enfants et vous vous rendez compte qu'Anna abandonne son fils pour vivre à la colle avec un joli soldat, puis sa fille lorsqu'elle se jette sous le train. Elle devient une sorcière égoïste. Avoir un bébé conduit à repeindre le monde d'une couleur tout à fait nouvelle. Le blanc et le noir ne font plus tout à fait l'affaire.

La question de l'avortement tourne autour de la notion de la vie. La position pro-vie est claire : un bébé, c'est une vie, avec des droits, depuis l'instant de la conception. La position pro-choix insiste au contraire sur le fait que nous ne parlons là que d'une vie potentielle, sans droits. Et l'embryon n'est pas une personne.

Pour le dire crûment, le débat est celui des droits fœtaux contre les droits reproductifs. Mais vous ne verrez jamais une formulation aussi dépassionnée de la part des militant. Les deux parties s'emploient à utiliser un langage qui leur permet de faire avancer leurs positions. Les femmes interrompent leur grossesse ou tuent leurs bébés, tout dépend de qui en parle. Dans la propagande pro-vie, les détails gore sont racontés avec une délectation purulente : au cours d'un avortement par aspiration, le fœtus est « décapité et démembré ».

Si les scientifiques avaient établi qu'un fœtus peut ressentir la douleur dès un très jeune âge, plutôt que l'inverse, les pro-vie s'en seraient saisis, mais en vérité cela n'a que peu d'incidence sur les arguments principaux des deux côtés. Soit un fœtus est une vie depuis la conception, soit il ne l'est pas : la capacité à sentir la douleur n'est pas en elle-même un facteur déterminant.

En fait, il est extraordinairement difficile de parvenir à une définition de la vie. Friedrich Engels a dit : « La vie est l'état d'être des protéines. » Mais aucune définition unique n'emporte l'adhésion des scientifiques ou des philosophes. Certains scientifiques avancent que l'Univers est agencé de telle façon que l'irruption spontanée de la vie est inévitable – Christian de Duve, biologiste nobélisé, a décrit la vie comme un « impératif cosmique ». D'autres soutiennent que l'existence de la vie est tellement peu probable qu'elle constitue un coup de bol miraculeux. Dans les deux cas, il y a quelque chose d'absolument extraordinaire dans la notion que nous sommes tous de la matière recyclée – que nos atomes ont jadis fait partie d'autre chose, d'animé ou d'inanimé, et qu'une sorte de miracle d'assemblage nous a créés, vous et moi.

La vie est-elle définie par la conscience ou par la connaissance de soi ? Est-elle simplement la capacité de respirer ? Prenez donc quelques instants pour essayer de définir ce qu'est être humain et en vie. Ça y est ? Pas facile, n'est-ce pas ?

Ce qui devient de plus en plus clair à mes yeux, c'est qu'en l'absence d'une définition objective, le fœtus est une vie, quelle que soit l'aune subjective que l'on adopte. Ma fille a été formée à la conception, et toute cette alchimie à peine comprise qui a transformé l'heureux accident de la rencontre de ce spermatozoïde-là avec cet ovule-là en ce marmot chéri, cette petite bourrée de personnalité, s'est produite en cet instant-là. Elle est si évidemment elle-même, sa propre personne : forgée en mon sein, et non pas par mon maternage.

Toute autre conclusion est un mensonge commode que nous autres, côté pro-choix, racontons à nous-mêmes pour nous sentir mieux à propos de l'action de prendre une vie. Le petit être en forme d'hippocampe qui flotte dans un utérus accueillant est un miracle de la vie qui grandit. Dans un utérus hostile il ne s'agit plus d'une vie, mais d'un fœtus – qu'on peut donc tuer.

Nous voici donc avec un problème. Un mouvement qui se développe en Amérique, conduit par Sarah Palin, est le féminisme pro-vie. Il tente de découpler le féminisme du droit d'avorter, arguant que l'on peut croire au droit de la femme à l'autonomisation sans croire en son droit d'avorter. Ses promoteurs font état d'une lame de fond de soutien parmi les femmes jeunes qui cherchent à réinventer l'idéologie de leurs mères.

Mais on ne peut séparer les droits des femmes de leur droit de contrôler leur fertilité. Le facteur unique le plus important pour la libération des femmes a été notre nouvelle capacité d'imposer notre volonté à notre biologie. L'avortement aurait été légal depuis des millénaires si c'était les hommes dont les espoirs d'avenir et les carrières qui avaient été soudainement bloqués par une grossesse inattendue. Le mystère sur lequel on s'est penché au cours de bien des sorties avec les filles est bien de savoir comment diantre les hommes, que Dieu nous les garde, ont réussi à se garder l'hégémonie politique et culturelle pendant une si longue période. La seule réponse possible est qu'ils ne sont pas soumis à leur biologie autant que nous le sommes. Regardez la carte du monde : le droit à l'avortement à la demande est presque exactement corrélé à l'attente que l'on peut avoir de vivre une vie libre de toute misogynie.

Comme toujours, lorsqu'une question que nous croyions blanche ou noire devient plus nuancée, la réponse consiste à choisir le moindre mal. Les presque 200.000 bébés avortés chaque année au Royaume-Uni chaque année sont le moindre mal, quelle que soit la manière de définir la vie, ou même la mort. Si vous êtes prêt à mourir pour une cause, vous devez être prêt à tuer pour elle, aussi.


Je pourrais commenter des points précis, mais ce serait du chipotage. Le titre dit ce que je pense : avorter c'est tuer, mais le droit à l'avortement est un moindre mal. Je trouve que cette femme a vraiment du courage : elle va se faire insulter par les pro-life parce qu'elle est pro-avortement, et elle va se faire insulter par les féministes parce qu'elle parle de meurtre.

Le Salon Beige s'est d'ailleurs fendu d'un commentaire aussi lapidaire que ridicule : "Comment réagira la délicieuse petite fille d'Antonia, le jour où elle apprendra que sa mère aurait pu la sacrifier au nom de son « style de vie » ?"

Vraiment ? C'est tout ce qu'ils ont à opposer à un texte aussi intelligent ? "Que pensera ta fille du fait que tu es pour-l'avortement-ce-qui-veut-dire-que-tu-aurais-pu-la-tuer ?". Mais elle ne l'a pas fait, précisément.

C'est une des choses que déplore l'auteur dans son texte : on fait passer l'émotion avant tout, et on transforme un sujet sérieux en foire d'empoigne. Les uns font passer les docteurs pour des bouchers sataniques, les autres prétendent qu'on devrait avorter le cœur aussi léger que si on se coupait un ongle.

Et puis, le terme "style de vie" me fait grincer les dents. Il s'agit de vie, et de choix, tout bêtement. Quant on dit qu'une femme avorte pour "son style de vie", on s'imagine aussitôt une traînée qui ne savait même pas qui était le père et qui en était à son troisième avortement. Il en existe, je suppose. Combien en existe-t-il d'autres qui utilisaient une contraception, mais qui se sont retrouvées enceintes quand même, alors qu'elles étaient étudiantes ? Je suis sûrement une occidentale gâtée, mais pour moi, finir ses études au lieu de se retrouver avec le BAC et un bébé ad vitam aeternam, c'est plus que "préserver un style de vie". Et combien avortent parce que leur copain/mari/plombier amical ne souhaite pas d'enfant ? C'est facile d'en vouloir à celle qui, après un choix mutuel, auquel elle est peut-être même la plus réticente, est celle qui va à la clinique, parce que oui, l'utérus, c'est elle qui l'a.

Personnellement, je considère que si on proposait davantage d'aide aux femmes qui tombent enceintes sans l'avoir désiré, il y en a un certain nombre qui n'avorteraient pas. Malheureusement, les féministes crient que c'est une atteinte au droit de choisir (!) et les pro-life sont trop occupés à faire des montages vidéos pleins de bouts de bébés hachés.

Quant à celles qui souhaitent avorter quoiqu'il en soit, qu'elles le fassent. Que puis-je dire de plus ?

Ma grand-mère m'a parlé de cette vieille femme, dans son village, qui a boité toute sa vie. Sa mère voulait avorter. Avec une épingle. La petite est restée bien accrochée, mais elle a eu la hanche transpercée. Alors pour ceux qui veulent du pathos, en voilà : qu'est-ce que cette femme a éprouvé, toute sa vie, en sachant à chaque mètre qu'elle faisait que sa mère avait essayé de la tuer ?

Ma mère était pour l'avortement, mais ma hanche se porte bien, merci.

56 commentaires:

  1. "Si vous êtes prêt à mourir pour une cause, vous devez être prêt à tuer pour elle, aussi."
    Non. On peut choisir de mourir, on n'a pas le droit de tuer.
    "on ne peut séparer les droits des femmes de leur droit de contrôler leur fertilité"
    Contrôler sa fertilité, c'est ce que permet la contraception.

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  2. "On peut choisir de mourir, on n'a pas le droit de tuer."
    Raisonnement absurde. Si vous n'êtes pas prêtes à tuer pour une idée (ou idéologie, ou patrie, ou civilisation, ou race, ou je ne sais quoi), alors celle-ci ne vaut rien. Rien du tout. Si vous voulez que votre idée soit autre chose qu'une simple vue de l'esprit, vous devez être prêtes à l'imposer par le fer et le sang. Votre sang, mais aussi celui des autres. On ne peut pas séparer les deux. Tuer ou être tuer. Rien n'a changé dans le fond, et c'est tant mieux. Fondamentalement, l'homme reste ce qu'il est : un animal.

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  3. "Contrôler sa fertilité, c'est ce que permet la contraception."

    Effectivement, mais il y a toujours des accidents, pour cent raisons différentes.

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  4. Intéressant, merci.

    Ca rejoint un peu ce que j'en disais sur l'ancien blog d'Aphrodite :

    "En Europe, les femmes ont toujours utilisé une contraception, et avorté dans les inévitables cas de « pépin ».
    La seule période qui fasse exception tient entre le XVIème siècle et le début du XXème, quatre cent ans durant lesquelles les familles mirent au monde des fratries de 6 à 8 enfants, comme en Afrique. Avant le XVIème, il existait toute une pharmacopée et des savoirs ancestraux qui permettaient aux femmes de se limiter à 2 ou 3 enfants. 2 ou 3 qu’on éduquerait de son mieux, conformément à la stratégie de reproduction/transmission en vigueur dans notre civilisation (qui n’est pas la même que la stratégie africaine). Ces savoirs abortifs et contraceptifs furent réinventés au XXème siècle. Entre les deux, les aiguilles à tricoter, l’explosion démographique, la promiscuité miséreuse. On ne savait tellement plus quoi faire des enfants qu’on en a fait les esclaves et les martyrs de la révolution industrielle (il existe sur ce sujet précis quelques lectures à déconseiller aux âmes sensibles).
    Je dis que cette période d’hystérie démographique constitue une parenthèse malheureuse, et non pas une « normalité » à laquelle il nous faudrait revenir. Nous ne sommes pas des Africains, et notre survie ne repose pas sur le nombre.

    Quant aux arguments pro-life ordinaires, j’avoue qu’ils ne me convainquent pas beaucoup.

    « Les femmes avortent à la légère, s’en servant comme d’une contraception. Elles préfèrent avorter parce que la pilule fait grossir et empêche de fumer. »
    –> Je n’en connais aucune qui s’apparente à cette description. Toutes les femmes qui se sont confiées à moi sur ce sujet vivent leurs avortements comme des blessures, pensent tous les ans à l’âge qu’aurait leur enfant, etc.
    D’autre part, s’il existe réellement des femmes pour qui l’avortement ne représente qu’une contraception facile (facile à quel point, d’ailleurs ? je n’ai évidemment pas d’expérience personnelle en la matière, mais j’imagine que ça doit être physiquement assez dégueulasse et traumatisant, donc pour la légèreté, il faudra repasser), bref, si quelques-unes de ces femmes insouciantes existent, (peut-être dans ces grandes villes que j’évite comme la peste ?) je préfère clairement que des créatures aussi insensibles et déconnectées de leur propre ventre ne *deviennent pas* des mères.

    [à suivre...]

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  5. [suite : ]

    « C’est un meurtre. »
    –> Chacun voit midi à sa porte. On peut trouver que la loi française n’est pas mal faite, avec la formation du système nerveux comme date limite, on peut aussi aborder ça du point de vue droitdelhommiste qui se montre impitoyable à l’égard du foetus (par définition pas encore « né libre et égal »), on peut se référer au principe aristotélicien de l’animation/âme qui correspond là encore peu ou prou à la législation française, mais personnellement j’irais encore plus loin que ça.
    Quand bien même ce serait un meurtre, dans ce cas de figure exceptionnel je ne le jugerais pas moralement condamnable. Ca a bien dû se produire, autrefois, des femmes qui allaient accoucher dans la forêt pour y laisser mourir leur bébé, peut-être même en l’aidant un peu pour ne pas qu’il souffre trop. Simplement parce que la récolte avait été mauvaise, qu’elles en avaient déjà plusieurs à la maison, et qu’elles savaient qu’ils ne passeraient pas tous l’hiver si elles gardaient celui-ci en vie.
    Aussi triste que ce soit, pour moi ça reste leur décision. Le pouvoir et la responsabilité de donner la vie sont des choses éminemment intimes et personnelles. Si une femme, pour des raisons qui la regardent, veut tuer le produit de son propre ventre, je ne vois pas de quel droit j’aurais quelque chose à lui dire sur la question. Tant que l’enfant n’a encore tissé aucun lien avec la société, tant qu’il n’a pas été dans les bras de son père, pour moi ça reste une affaire entre la femme et le produit de son ventre.
    Ce qui est sûr, c’est qu’aucun médecin ne viendra casser la porte d’une pro-life, pour lui ouvrir le ventre de force et zigouiller son foetus malgré elle. Voilà ce que j’appellerais « un meurtre ».

    Pour finir, je crois que les pro-life utiliseraient mieux leur énergie (certains le font, d’ailleurs), à faire en sorte que ce libre choix désormais inscrit dans la loi reste *réellement* libre. C’est-à-dire que des femmes n’avortent pas à moitié contre leur volonté.
    J’avais été frappé, il y a quelques années, en consultant un forum destiné à l’échange de conseils entre femmes sur le point d’avorter. Une proportion sidérante (plus de la moitié, peut-être les trois-quarts) déclaraient qu’elles auraient souhaité garder leur bébé, mais que leur compagnon les avait mises face à un ultimatum. Auquel elles se pliaient, aussi fou que ça paraisse. Elles avaient vraiment l’air d’en souffrir, d’hésiter, mais pour la plupart elles allaient avorter quand même, afin de « sauver leur couple ». (Pour combien de temps, on se le demande.)
    Il faut ajouter à ça des jeunes qui souhaitaient tout autant garder leur bébé, mais avortaient par crainte de ne pas savoir s’en occuper, ou de voir leur vie et celle de leur enfant foutues en l’air par l’abandon de leurs études, etc.
    A mon avis, si on veut vraiment se battre contre l’avortement et qu’on a de l’enthousiasme à revendre, c’est pour toutes celles-là qu’il y aurait des choses à faire, une pédagogie à entreprendre et des solutions concrètes à proposer."

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  6. Bon sang, cesse donc d'écrire des commentaires plus intéressants que mes articles ! Si au moins tu me laissais prétendre que c'est de moi ! (Plus sérieusement, j'ai peur que les gens ne les voient pas, du coup...)

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  7. Merci Clarissa.

    Personnellement, tout mon être, toute mon âme, s'élève contre l'avortement.

    Et pourtant, oui, je trouve ce texte (et vos commentaires) courageux et intelligent. Et la phrase du Salon Beige, particulièrement bête et méchante.

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  8. Merci Artémise. Je remarque au passage que vous parlez de beaucoup de choses que je ne connais pas (en histoire) et d'autres que je vais devoir connaître (la BnF et la recherche). Je garde donc le lien...

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  9. N'hésitez pas, si vous avez une question sur la BnF, je suis un excellent GPS :)

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  10. +1 mais ça ne t'étonnera pas :-)

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  11. Ce texte est plus intelligent que la moyenne de ce qu'on trouve dans la littérature en faveur de l'avortement, ce qui n'est pas très difficile, mais je ne le trouve pas brillant pour autant. Tout au plus, je serais prêt à reconnaître qu'il est courageux, parce qu'effectivement cette femme a dû s'en prendre plein la gueule de tous les cotés. Avant d'expliquer pourquoi je pense que l'argument qu'elle développe, non seulement n'est pas valable, mais est parfaitement absurde, je voudrais préciser que, jusqu'à une période très récente (à savoir jusqu'à ce que j'y réfléchisse sérieusement), j'étais favorable à l'avortement, plutôt par panurgisme que pour une autre raison. Je ne suis pas croyant et j'ai été élevé par de parfaits mécréants, mon opposition à l'avortement est donc purement philosophique et n'a rien à voir avec mes croyances religieuses, pour la simple et bonne raison que je n'en ai point. D'ailleurs, même s'il est croyant, j'estime qu'un miliant pro-vie ne devrait jamais faire appel aux Écritures pour défendre sa position, tout simplement parce que c'est stupide, dès lors qu'en face on se fout de la Bible comme de l'an quarante. J'estime que c'est une évidence qui se passe de commentaires, mais au cas où certains catholiques voudraient malgré tout quelque autorité reconnue par l'Église, je leur recommande la lecture de saint Thomas d'Aquin (cela dit je recommande à tout le monde la lecture de saint Thomas d'Aquin), qui expliquait pour cette raison même qu'on ne devait jamais chercher à convertir les infidèles en invoquant les Écritures (Summa Theologiae, I, q. 1, a. 8).

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  12. D'habitude, les militants pro-choix cherchent à nier que l'IVG est un meurtre, avec des arguments généralement assez lamentables. Cela dit, même si j'incline moi-même à penser qu'il y a de bons arguments en faveur de la thèse selon laquelle le foetus est un être humain dès l'instant de la conception, je reconnais que la question est délicate et qu'on peut également défendre l'opinion contraire de façon plausible. Mais, en ce qui me concerne, ce n'est pas la considération du statut du foetus qui m'a fait changer d'avis sur l'avortement, mais plutôt un argument auquel j'ai pensé quand j'ai commencé à réflechir sérieusement sur la question et qu'à mon avis tout le monde est obligé d'accepter, tout simplement parce que tout le monde accepte ses prémisses. La première prémisse est qu'il y a un moment au cours de la grossesse après lequel il devient immoral de l'interrompre. Il devrait être clair que tout le monde accepte cette prémisse, puisqu'en effet personne n'est prêt à dire qu'il est toujours moral d'interrompre une grossesse, peu importe quand. Par exemple, personne ne défend le droit d'avorter après huit mois et demi de grossesse, même si tout le monde n'est pas d'accord sur le moment au-delà duquel l'IVG devient un meurtre. La seconde prémisse de l'argument est liée de près à cette dernière remarque, c'est qu'il est impossible de déterminer objectivement et avec certitude à partir de quand il devient immoral d'interrompre volontairement une grossesse. Vous pouvez me donner n'importe quelle durée, par exemple quatorze semaines, et je pourrai toujours vous demander : mais pourquoi pas treize ou quinze ? Et il sera facile de montrer que tout ce que vous pourrez répondre à cette question n'est pas satisfaisant. Par exemple, on invoque généralement, comme il en est brièvement fait mention dans l'article, l'aptitude à ressentir de la douleur comme ce qui distingue l'amas de cellule qu'est le foetus avant qu'il ait cette faculté de l'être humain qu'il devient après qu'il l'a acquise. Mais si l'on acceptait cette réponse, alors on n'aurait aucune raison de blâmer un docteur pour avoir tué son patient pendant qu'il était sous anesthésie... Un signe très intéressant de la vérité de cette prémisse, même si ce n'est pas une preuve à proprement parler, c'est que le délai au-delà duquel il n'est plus permis d'avorter varie considérablement d'un pays à l'autre, ce qui serait hautement implausible s'il existait un critère objectif pour décider de la durée à partir duquel le foetus devient un être humain. Il s'ensuit qu'il est toujours immoral d'interrompre volontairement une grossesse.

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  13. L'auteur de l'article que vous avez cité a choisi une autre stratégie pour défendre l'avortement, qui ne consiste pas à nier que c'est un meurtre, mais uniquement à soutenir que c'est un moindre mal. Personnellement, il me paraît clair que l'unique espoir pour les partisans de l'avortement consiste à montrer que le foetus n'est pas un être humain, sans quoi tout argument en faveur de l'avortement est condamné à être intenable. L'argument de l'auteur de cet article est le suivant : (1) sans le contrôle de leur fertilité, les femmes ne sauraient être libres, or (2) si elles n'ont pas la possibilité d'avorter, les femmes ne peuvent pas contrôler leur fertilité, donc (3) l'avortement, bien que ce soit un meurtre, est un mal nécessaire si l'on veut préserver la liberté des femmes. D'abord, comme cela a été dit plus haut, (2) est indiscutablement faux, puisqu'en effet on peut fort bien contrôler sa fertilité par les moyens contraceptifs, sans recourir à l'avortement. Vous avez répondu qu'il y avait des toujours des accidents, mais il est évident que, sauf exceptions, ces accidents sont de la responsabilité de la femme et de son compagnon, qui auraient pu l'éviter. Or, on ne peut pas légiférer en s'appuyant sur des exceptions, sans quoi, si vous me laissez un peu de temps, je n'ai guère de doute que je pourrais vous démontrer qu'il faut légaliser à peu près tout ce que vous voulez, du viol à la pédophilie en passant par l'esclavage. De surcroît, même en admettant que (2) soit vrai, l'argument n'a pas démontré (3) pour autant, et pour cause, puisque (3) est tellement absurde que je doute que qui que ce soit puisse vraiment endosser cette conclusion à moins de ne pas VRAIMENT considérer l'avortement comme un meurtre. En effet, peut-on vraiment penser que la liberté des femmes, la liberté de qui que ce soit d'ailleurs, vaut qu'on assassine chaque année des millions d'êtres humains dans le monde ? Franchement, j'ai du mal à le croire, à moins bien sûr qu'on ne considère pas vraiment l'avortement comme un meurtre, mais alors il faut démontrer cela.

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  14. En effet, si l'avortement est un meurtre comme les autres, comme l'auteur de l'article semble le reconnaître, alors on devrait pouvoir remplacer "les presque deux cent mille bébés avortés chaque année au Royaume-Uni" dans la phrase "les presque deux cent mille bébés avortés chaque année au Royaume-Uni moindre mal sont un moindre mal comparés aux bienfaits de la libération de la femme" par "les presque deux cent mille Juifs tués chaque année au Royaume-Uni" sans que cela modifie, non pas la vérité de cette phrase (car il est évident que le résultat de cette substitution serait faux à moins qu'on puisse montrer que l'existence de Juifs au Royaume-Uni est un obstacle à la liberté des femmes et à moins qu'on tue en effet presque deux cent mille Juifs chaque année au Royaume-Uni), mais la possibilité que cette phrase soit vraie. Or, je n'ai guère de doute quand au fait que vous seriez prête à affirmer sans hésitation que la phrase "les presque deux cent mille Juifs tués chaque année au Royaume-Uni sont un moindre mal comparés aux bienfaits de la libération de la femme" ne pourrait EN AUCUN CAS être vraie, quand bien même on pourrait démontrer que l'existence des Juifs est un obstacle à la liberté de la femme. Pourtant, si vous considériez vraiment que l'avortement est un meurtre comme les autres, et si vous admettez ne serait-ce que la POSSIBILITÉ que "les presque deux cent mille bébés avortés chaque année au Royaume-Uni moindre mal sont un moindre mal comparés aux bienfaits de la libération de la femme" soit vraie, alors vous devriez admettre pareillement la POSSIBILITÉ que "les presque deux cent mille Juifs tués chaque année au Royaume-Uni sont un moindre mal comparés aux bienfaits de la libération de la femme" soit vraie. Par conséquent, même s'il était démontré que l'avortement est nécessaire à la liberté de la femme, vous ne pourriez pas soutenir que c'est un moindre mal comparés aux bienfaits de la libération de la femme, à moins que vous ne considériez pas l'avortement comme un véritable meurtre. Tous les arguments qui ne cherchent pas à établir préalablement que l'avortement n'est pas un meurtre, par exemple celui qu'on entend souvent et qui consiste à avancer que même s'il venait à naître, un enfant non désiré serait malheureux (dans ce cas, pourquoi ne pas tuer les tétraplégiques en salle d'opération, aussitôt qu'on sait qu'il ne recouvreront pas l'usage de leurs membres ?) échouent pour la même raison.

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  15. Cela étant dit, on ne peut pas être d'accord sur tout, et je suis quand même content que vous ayez repris votre activité en ces lieux (je sais, cela fait un moment, mais j'étais occupé par d'autres choses à l'époque où vous avez mis fin à votre silence).

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  16. Eh bien, on ne peut pas vous reprocher de ne pas argumenter... Je vais répondre, au moins pour le moment, seulement sur deux points (mais les points essentiels) :

    D'abord, il y a cette zone floue essentielle : meurtre ? véritable meurtre ? Parce qu'il m'est impossible de définir clairement quand commence la vie et quand commence l'humanité, je ne suis pas sûre que l'avortement est un meurtre. Je pense juste qu'il faut avoir le courage de reconnaître que si ce n'est pas un "vrai" meurtre, ça en approche tout de même beaucoup.

    Mais c'est justement pour ça que dans le doute, je penche pour l'avortement : à chacun(e) de décider si c'est un meurtre, et si le commettre est nécessaire.

    Ensuite vous vous trompez sur un deuxième point, puisque votre conclusion est toute entière basée sur l'idée qu'un meurtre ne peut pas être un moindre mal, et que si il s'agissait d'adultes et non de foetus, je trouverais inacceptable de tuer 200 000 personnes par an pour la liberté des femmes (enfin, des anglaises, dans cet exemple). Ce n'est pas le cas. Je considère le meurtre comme un dernier recours, mais un recours possible quand il est nécessaire.

    A tout prendre il est plus étonnant que je sois contre la peine de mort que pour l'avortement...

    Ceci dit, je l'ai peut-être dit dans l'article et je le répète, si je tombais enceinte en ce moment, je choisirais à peu près toute alternative plutôt que d'avorter. C'est bien pour ça que je pense qu'il faut améliorer tout ce qu'il y a "autour" de l'avortement. Sans doute pas la contraception, qui est déjà très libre, mais les recours possibles en cas de grossesse.

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  17. Je m'aperçois que mes commentaires précédents n'étaient pas forcément très clairs, sans doute parce que je les ai écrits trop rapidement. Je crois donc qu'il faut distinguer plus soigneusement les différents points sur lesquels nous sommes en désaccord. D'abord, il y a l'argumentation de l'auteur de l'article que vous avez cité, dont je voudrais contester le bien fondé sur deux points. Je vais tâcher de reconstruire cet argument en détail, notamment en énonçant explicitement les prémisses qui restent implicites dans son raisonnement, de façon à ce qu'on puisse discuter plus facilement de cette question. Dites moi si vous n'êtes pas d'accord avec ma façon de reconstruire cet argument.

    (1) Sans le contrôle de leur fertilité, les femmes ne peuvent pas être libres, (2) à moins qu'elles n'aient la possibilité d'avorter, les femmes ne peuvent pas contrôler leur fertilité, donc (3) à moins qu'elles n'aient la possibilité d'avorter, les femmes ne peuvent pas être libres ; par ailleurs, (4) l'avortement est certes un meurtre, mais (5) le meurtre est licite quand c'est l'unique moyen de sauvegarder sa liberté, donc (6) l'avortement est licite puisque, en vertu de (3), c'est l'unique moyen pour les femmes de préserver leur liberté.

    Ma première objection à ce raisonnement, c'est qu'il est indiscutable que (2) est faux, puisqu'on peut fort bien contrôler sa fertilité par les moyens de contraceptions, sans avoir recours à l'avortement, sauf dans certains cas exceptionnels, mais on ne peut pas légiférer en se réglant sur des exceptions. Je ne vois pas comment on peut échapper à cette objection, or elle suffit pour mettre à bas l'ensemble du raisonnement, puisqu'alors (3), dont on a besoin pour obtenir la conclusion, ne s'ensuit pas. Je vais quand même soulever ma seconde objection, même si comme je viens de le dire, ce n'est pas vraiment nécessaire.

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  18. Ma seconde objection à ce raisonnement, c'est que (5) est également faux. En effet, soit le principe suivant, qui impose une restriction sur (5) dans le raisonnement de l'auteur de l'article : (5') le meurtre est licite quand c'est l'unique moyen de préserver sa liberté et que la personne que l'on tue agit délibérément dans le but de nous priver de liberté. Pour répondre à votre remarque, je ne nie pas que (5') soit vrai, mais en revanche (5) est trop général pour qu'on puisse l'accepter. Vous pouvez nier cela, auquel cas je ne peux rien vous objecter (cependant ma première objection garde toute sa force), mais dans ce cas vous me verrai contraint d'émettre de sérieux doutes sur votre moralité :-)

    Par exemple, imaginez que vous ayez été injustement emprisonnée, et que vous soyez parvenue, peu importe comment, à vous extraire de votre cellule. Imaginez en outre que, tandis que vous êtes en train de vous échapper de la citadelle où se trouvait votre cellule, vous croisez la route d'un enfant, lequel se prend de frayeur et commence aussitôt à pousser des hurlements. Si (5) était vrai, vous auriez le droit de le tuer pour éviter qu'il donne l'alerte, mais fort heureusement, (5) n'est pas acceptable, comme l'illustre précisément cette histoire. Bien sûr, (5') est vrai, cependant (5') ne s'applique pas dans ce cas, car l'enfant ne hurle pas pour vous empêcher d'échapper à l'injuste sort qu'on vous a fait, dont il ignore d'ailleurs probablement tout, mais seulement parce qu'il est effrayé. Par conséquent, comme vous avez un certain sens de la moralité, vous ne souhaitez pas commettre une injustice pour échapper à celle qu'on vous a faite, ce qui vous conduit à retourner dans votre cellule, où vous supporterai noblement le sort qui vous est fait.

    Pour revenir à l'argument de l'auteur de l'article que vous avez cité, le problème est que, si l'on remplace (5), qui est faux, par (5'), qui est vrai, la conclusion ne s'ensuit plus. En effet, même si l'on peut dire qu'il contribue à vous priver de liberté (encore que je trouve cela quelque peu exagéré), il est clair qu'un foetus ne saurait agir délibérément de façon à obtenir de résultat. Un foetus, pour dire les choses clairement, ne demande rien à personne, il est là et il n'y peut rien. Par conséquent, si vous remplacez (5) par (5') dans le raisonnement, dans le but d'obtenir un raisonnement valable, vous passez d'un raisonnement formellement valide mais matériellement faux (parce que la conclusion s'ensuit mais que l'une des prémisses n'est pas vraie) à un raisonnement matériellement vrai mais formellement invalide (parce que la conclusion ne s'ensuit pas bien que toutes les premisses soient vraies).

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  19. Voilà pour ce qui est de mes objections à l'argument développé par l'auteur de l'article que vous avez cité. J'ai également rapidement exposé un argument dont la conclusion est qu'il n'est jamais licite d'avorter. Cet argument est tout à fait indépendant de l'article que j'ai discuté jusqu'à présent. J'estime qu'il est particulièrement efficace, parce qu'il repose sur des prémisses que tout le monde accepte. L'argument procède de la manière suivante : (1) il y a un moment au cours de la grossesse à partir duquel l'avortement entraîne la mort d'un être humain, mais (2) il est impossible de déterminer à partir de quel moment cela arrive, donc (3) on ne peut jamais avorter sans délibérément prendre le risque de provoquer la mort d'un être humain ; mais (4) il n'est pas licite de prendre délibérément le risque de provoquer la mort d'un être humain, dès lors que celui-ci n'agit pas lui-même délibérément de façon à vous porter gravement atteinte, mais (5) le foetus dans votre uterus n'agit pas délibérément de façon à vous porter gravement atteinte , donc (6) il n'est pas licite d'avorter.

    Dans ce raisonnement, on peut voir (4) comme une modification de (5') dans mes explications au sujet de l'article que vous avez cité. Contrairement à (5'), il n'est plus question de tuer quelqu'un à coup sûr, mais de prendre le risque de tuer quelqu'un qui vous nuit. On peut illustrer la validité de ce principe avec une histoire. Imaginez qu'une usine de produits chimiques se trouve à coté d'une rivière en bordure d'une épaisse forêt. Imaginez en outre que les dirigeants de cette usine décident de déverser des produits chimiques dans cette rivière et que ces derniers sont mortels pour l'homme jusqu'à ce qu'ils aient parcouru plus de 50km dans l'eau, après quoi ils cessent d'être toxiques pour l'être humain et il n'est plus dangereux de boire l'eau de la rivière.La rivière parcourt une distance de 100km dans cette forêt, dont les dirigeants savent par ailleurs qu'elle abrite une tribu d'Indiens qui s'abreuvent à cette rivière, bien qu'ils n'aient aucun moyen de savoir à un moment donné où se trouve le campement de ces Indiens, qui ne restent jamais très longtemps au même endroit. Il me paraît clair que le comportement des dirigeants de cette usine est condamnable et qu'ils mériteraient d'aller croupir dans la citadelle dont je parlais dans ma précédente histoire, ce qui illustre la validité de (4) et constitue une situation analogue à l'avortement.

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  20. À moins que vous ne trouviez rien à redire dans le comportement des dirigeants de cette usine, ce dont je doute fortement, vous êtes donc contrainte de reconnaître que l'avortement n'est pas licite. Comme je l'ai dit précédemment, il n'est pas possible de nier (2), parce que pour toute réponse qu'on peut donner à la question de savoir à partir de quel moment il n'est plus licite d'avorter sans mettre en danger la vie d'un être humain, il est facile de montrer que cette réponse n'est pas satisfaisante. Le seul moyen qu'il vous reste pour échapper à cette conclusion est de nier (1), mais je suis sûr que vous n'en ferai rien, parce qu'il faudrait alors que vous admettiez qu'il n'est pas immoral d'avorter après huit mois et demi de grossesse. Outre cet argument, qui est celui que je préfère parce qu'il demande très peu, j'en ai encore des tas d'autres auxquels j'ai pensé depuis que je me suis mis à réfléchir à la question. Tout cela me fait dire que la cause de l'avortement est fort peu crédible.

    Cela étant dit, je vous accorde qu'il faut chercher à développer le soutien aux femmes enceintes, mais pour autant, l'insuffisance d'un tel soutien, que je ne nie pas (je suis d'ailleurs tout à fait d'accord avec vous quant aux causes de cette insuffisance), ne saurait justifier l'avortement. Le problème en France, c'est qu'il est impossible d'avoir une discussion rationnelle au sujet de l'avortement. Dès qu'on ose remettre en cause le bien-fondé de son autorisation, on met cela sur le compte du fanatisme religieux (ce qui dans mon cas ne manque pas de piquant, puisque je n'ai jamais mis les pieds dans une Église, si ce n'est bien sûr pour la visiter ou par curiosité), mais il n'est jamais question de répondre par des arguments. Même si j'étais un fanatique religieux (c'est-à-dire, d'après les critères actuels, quelqu'un qui se contente de respecter le dogme de sa religion, au lieu de se contenter d'affirmer que Dieu est amour et tolérance), je ne vois pas en quoi cela impliquerait que j'aie tort. Je trouve qu'il est absolument insupportable de recourir à ce genre de terrorisme intellectuel, qui repose sur des arguments ad hominem et le refus de la discussion. On devrait pouvoir soumettre absolument tout à un examen rationnel et regarder avec suspicion tous ceux qui s'y refusent. Notez bien que je ne dis pas cela contre vous, je vois bien que vous ne procédez pas de la sorte, j'en ai juste plein le cul d'entendre les journalistes louer Simone Veil à longueur de temps, comme si c'était une sainte qu'il faudrait adorer, sous peine d'être un affreux salaud. Mais je m'égare, si je continue, je sens que je vais commencer à donner mon sentiment sur les journalistes...

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  21. P.S. : je vous interdis de me demander qu'est-ce que ce gamin fout dans cette citadelle ou pourquoi ces cons d'Indiens ne sortent pas de leur forêt ;-)

    P.S. bis : désolé pour cette tartine, j'ai tendance à me laisser emporter.

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  22. Philippe, j'avoue très humblement que je n'ai pas lu l'intégralité de vos commentaires - du moins pas encore.
    Je voudrais juste signaler rapidement avant d'oublier une faille majeure dans votre raisonnement (majeure car elle est à la base de votre premier argument).
    Vous dites :

    "...un argument auquel j'ai pensé quand j'ai commencé à réflechir sérieusement sur la question et qu'à mon avis tout le monde est obligé d'accepter, tout simplement parce que tout le monde accepte ses prémisses. La première prémisse est qu'il y a un moment au cours de la grossesse après lequel il devient immoral de l'interrompre. Il devrait être clair que tout le monde accepte cette prémisse, puisqu'en effet personne n'est prêt à dire qu'il est toujours moral d'interrompre une grossesse, peu importe quand. Par exemple, personne ne défend le droit d'avorter après huit mois et demi de grossesse, même si tout le monde n'est pas d'accord sur le moment au-delà duquel l'IVG devient un meurtre."

    Or, précisément, Rominet a dit le contraire dans un précédent commentaire :
    "Quand bien même ce serait un meurtre, dans ce cas de figure exceptionnel je ne le jugerais pas moralement condamnable. Ca a bien dû se produire, autrefois, des femmes qui allaient accoucher dans la forêt pour y laisser mourir leur bébé, peut-être même en l’aidant un peu pour ne pas qu’il souffre trop. Simplement parce que la récolte avait été mauvaise, qu’elles en avaient déjà plusieurs à la maison, et qu’elles savaient qu’ils ne passeraient pas tous l’hiver si elles gardaient celui-ci en vie.
    Aussi triste que ce soit, pour moi ça reste leur décision. Le pouvoir et la responsabilité de donner la vie sont des choses éminemment intimes et personnelles. Si une femme, pour des raisons qui la regardent, veut tuer le produit de son propre ventre, je ne vois pas de quel droit j’aurais quelque chose à lui dire sur la question. Tant que l’enfant n’a encore tissé aucun lien avec la société, tant qu’il n’a pas été dans les bras de son père, pour moi ça reste une affaire entre la femme et le produit de son ventre."
    Je vous invite à aller lire l'argumentation en entier si ça vous intéresse.

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  23. Comme Brisby l'a signalé, il y a des gens (j'en ai vu d'autres que Grominet) qui trouvent justifiable de tuer un enfant, jusqu'à sa naissance.

    Je vous informe également que si j'essaie de m'échapper d'une citadelle et qu'un enfant se met à crier et risque de rameuter du monde, il y a des bonnes chances que je le tue.

    Certes, ce serait certainement sous l'effet de la panique, et si j'avais encore toute ma tête j'essaierais de trouver une autre solution pour le faire taire... Et si je le tuais, j'aurais des remords après... Mais voilà, cet exemple est très significatif du point sur lequel nous ne sommes pas d'accord. Ce meurtre vous semble totalement impossible, injustifiable : pas à moi.

    Je pense donc qu'il est clair que notre désaccord ne repose pas sur une incompréhension, moi de vos arguments ou vous des miens, mais bien sur un "sentiment moral" différent.

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  24. Après lecture, rapidement (parce que pour être honnête, j'ai vraiment la flemme de me lancer dans des analyses/réfutations à n'en plus finir) :
    Vous êtes d'une manière générale beaucoup trop absolu dans vos raisonnements. La logique est un outil précieux, mais qui face au réel a tendance à se désagréger et perdre de sa valeur.
    Par exemple, vous n'adressez pas du tout le problème suivant : quoi qu'il arrive, on peut être à peu près certain que les femmes continueront à avorter. C'est un fait historique.
    Vous pouvez bien sûr penser que c'est ça, le moindre mal : les aiguilles à tricoter, les mutilations, les morts accidentelles des mères, les hanches percées, etc. C'est votre droit.
    Mais le fait que vous n'en parliez pas est emblématique de votre pensée binaire : 1 - 0, oui - non. Or cette pensée binaire ne suffit pas à traiter ce problème moral, social, légal, à laquelle personne n'a trouvé de solution définitive à ce jour.
    Idem pour l'histoire du meurtre moral ou non dans certaines circonstances. Vous tentez de forcer le "tranchage" de la question avec votre exemple de l'enfant. Mais ce n'est pas si simple.
    Tenez, allons-y, reprenons votre exemple : pourquoi tenté-je de m'enfuir de cette prison ? Suis-je une résistante dans une France occupée, par exemple ? Mon évasion est-elle nécessaire à la survie de ma famille, de mon peuple ?
    Si j'estime que les cris de cet enfant vont effectivement m'empêcher de sauver non seulement ma vie, mais aussi celle des miens, oui, je le tuerai. Ou du moins, j'aimerais être sûre que j'en serais capable, et que je pourrai ensuite vivre heureuse en le sachant - mais l'essentiel, c'est que je ne juge pas cet acte moralement impossible.
    Dernier exemple : vous dites qu'on ne peut légiférer sur des exceptions.
    D'une part, le viol et l'échec de la contraception ne sont pas des exceptions, pas au sens de "évènement tellement rare qu'il en devient insignifiant". Ce sont de solides possibilités. Lisez donc la notice d'une boîte de préservatifs ou d'un stérilet. (Et pour le viol, ouvrez le journal.)
    Et d'autre part, légiférer sur les exceptions est non seulement possible mais nécessaire. C'est un des principes de la loi : elle essaie de prendre en compte toutes les possibilités - et surtout, elle est appliquée par des humains, dans un tribunal, qui juge chaque affaire au cas par cas. La loi n'est pas binaire, elle est faite de nuances et d'exceptions.

    Je m'arrête là, je crois que j'ai dit ce que je voulais dire : pas assez de nuances de gris, pour moi, dans vos raisonnements. Encore une fois, c'est beau sur le papier, mais ça ne fonctionne pas dans la nature.

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  25. Merci à toutes les deux pour vos remarques et vos critiques, je vais m'efforcer d'y répondre du mieux que je peux. Il me semble que dans votre réponse, vous confondez ce qu'on fait avec ce qu'on doit faire. Ce n'était sans doute pas clair, mais je n'ai jamais voulu dire que, dans le scénario que j'ai imaginé, vous ne tueriez pas l'enfant, sous le coup de la panique par exemple. J'avais implicitement fait l'hypothèse dans mon scénario qu'il n'y avait pas d'autre moyen pour faire taire l'enfant que de le tuer, que vous aviez un parfait contrôle de vos émotions et que vous n'étiez ni sociopathe ni psychopathe. Ce que j'ai voulu dire, c'est que même si vous l'aviez tué, ce qui est fort concevable dans les faits, vous auriez eu des remords après coup, lesquels trahiraient la conscience que vous auriez d'avoir mal agi. Vous êtes d'ailleurs d'accord avec moi, puisque vous reconnaissez vous-même que vous auriez sans doute des remords après avoir tué l'enfant.

    L'immense majorité des gens est incapable de tuer un enfant, sauf dans des circonstances exceptionnelles, par exemple parce qu'ils n'ont pas le contrôle de leurs émotions (comme vous dans la citadelle). Les gens qui peuvent tuer quelqu'un qui ne leur a rien fait sans éprouver le moindre remord sont extrêmement minoritaires et c'est précisément ce qui justifie qu'ils soient considérés par les psychiatres comme des cas pathologiques. Par ailleurs, le fait que l'exposition des enfants ait été une pratique répandue en Europe pendant des siècles est tout à fait hors de propos : dans l'Antiquité, on pratiquait aussi les sacrifices humains, mais il ne vient à l'idée de personne pour autant que les sacrifices humains sont une pratique morale. De la même façon, ce n'est parce que l'avortement a toujours existé, qu'il existe aujourd'hui et qu'il existera vraisemblablement toujours que c'est une pratique morale. En effet, on peut en dire autant du viol, mais je doute que vous soyez portées à en tirer la conclusion qu'il faut l'autoriser. Par conséquent, si je ne prends pas en compte l'existence de l'avortement comme un fait social et historique avéré, c'est tout simplement parce que c'est complètement hors de propos dans le cadre de notre discussion.

    Pour répondre plus particulièrement à Brisby sur un point, à savoir la prise en compte des exceptions dans la loi, je répète ce que j'ai dit et qui me paraissait évident, à savoir qu'il est clair qu'on ne peut pas édicter une loi en se réglant sur les exceptions, mais qu'on ne peut se régler que sur le cas général, précisément parce que la loi est de caractère universel. C'est le rôle du juge et surtout pas celui de la loi que de prendre en compte les circonstances particulières de l'affaire sur laquelle il doit se prononcer. Ainsi, il est tout à fait possible que le fait de conduire sous l'emprise de l'alcool soit justifiable dans certaines circonstances exceptionnelles, par exemple lorsqu'un homme était tranquillement en train de se torcher à l'apéritif quand sa femme a été prise de contractions un mois avant la date prévue et qu'il n'y a personne d'autre pour la conduire à l'hôpital afin qu'elle accouche. Mais vous conviendrez ce n'est pas pour autant qu'on doit autoriser la conduite en état d'ivresse. Je pense pouvoir dire avec certitude que c'est une règle unanimement acceptée par tous les juristes et légistlateurs, qui en l'occurrence ont raison de l'accepter, parce qu'elle est fort raisonnable.

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  26. J'ignore quel est le nombre de viols commis chaque année (après une rapide recherche, je m'aperçois qu'il semble assez effrayant, même si les chiffres varient assez considérablement selon les sources), en revanche il me semble que le préservatif et surtout la pilule font leur office dans presque tous les cas. Mais cela n'a aucune importance, ce qui compte, ce n'est pas le nombre de viols ou d'accidents survenus à la suite de l'utilisation des moyens de contraceptions, c'est le nombre de ces viols et de ces accidents qui conduisent à une grossesse. Or, il me semble qu'à moins de faire preuve de beaucoup de mauvaise foi, chacun reconnaîtra que sur les près de deux cent mille avortements qui sont effectués chaque année, le nombre de ceux qui résultent de l'un de ces événements est sans doute assez insignifiant, en tout cas suffisamment pour que ces situations soient qualifiés d'exceptions. Je voudrais aussi dire que je suis évidemment touché par les histoires de femmes tuées ou mutilées à la suite d'un avortement réalisé dans la clandestinité, mais qu'à moins qu'on me donne des chiffres fiables prouvant le contraire, je considère en effet que c'est insignifiant comparé aux deux cent mille meurtres qui ont lieu chaque année avec la bénédiction de l'État en France depuis que l'avortement a été autorisé. Bien sûr, j'estime que ce genre d'histoires justifie l'amélioration de l'aide fournie aux femmes pendant leur grossesse, mais j'avoue que j'ai du mal à voir en quoi ma réaction fait de moi un monstre, elle me paraît au contraire relever du simple bon sens.

    Pour finir, je voudrais revenir sur quelque chose qu'a dit Clarissa, qui me paraît de loin être le point le plus important dans cette discussion. Vous mettez en effet notre désaccord sur le compte d'une différence de "sentiment moral". Mais précisément je nie que les gens, sauf cas pathologiques, aient un "sentiment moral" différent, en tout cas sur des questions aussi fondamentales que le meurtre. Il me semble que vous ne vous rendez pas compte des conséquences de votre réponse, qui revient à un relativisme moral que personne n'est prêt à accepter en pratique. En effet, si chacun peut mettre en avant la spécificité de son "sentiment moral" pour justifier ses actions, il ne peut y avoir aucune morale commune. Admettons que vous ayez raison et que chacun soit susceptible de porter un jugement moral différent sur la même action. Comment répondrez-vous à un homme qui a commis un viol et qui vous explique tranquillement que, même si à vous cela vous paraît horrible, lui il trouve que le viol est parfaitement acceptable ? Que direz-vous à un nazi qui vous explique que cela ne le choque absolument pas d'assassiner des millions de gens en raison de leur race ou de leur orientation sexuelle ? Vous ne pourrez rien répondre et c'est précisément pour cette raison que vous ne pouvez pas avancer une différence dans le "sentiment moral" pour justifier l'avortement.

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  27. Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas combien de temps je vais répondre, parce que j'ai déjà pas mal ressassé le sujet et je n'ai pas envie d'en discuter pendant des heures, en tout cas pas "virtuellement"... Mais je vais quand même répondre sur quelques points, parce qu'il me semble qu'on est enfin un peu sortis de la logique binaire et très rigide que Brisby dénonçait, et que nous sommes un peu plus dans le concret, ce qui est plus intéressant...


    D'abord, vous supposez que la part d'accident de contraception dans les avortements est négligeable. Je connais 5 femmes qui ont avorté, et il s'agissait d'accidents de contraception pour 4 d'entres elles, la 5e je ne sais pas. C'est peut-être un hasard du à cet échantillon très réduit, mais je ne crois pas. Et en plus de cela, je connais plusieurs exemples de grossesses non désirées (mais qui ont été gardées) dues à des échecs de contraception. Alors non, je rejoins Brisby, je n'appelle pas "rare" quelque chose dont j'ai pu voir autant d'exemples sans même les chercher. (Et ensuite, je ne pense pas qu'une imprudente "mérite" de devoir garder un enfant, même si elle a totalement négligé de ses protéger. Donc même si la contraception était fiable à 100%, ça ne me ferait pas changer d'avis.)

    Quant aux décès dus à l'avortement avant sa médicalisation/légalisation, les chiffres sont l'objet d'une bataille entre pro et anti bien sûr, mais ils doivent pouvoir se trouver. Quelques centaines par an en France dans les années 60, je crois. Il faut y ajouter les femmes qui ne mourraient pas mais pouvaient être blessées ou voir leur fertilité baisser à la suite d'une infection.

    Mettons qu'elles étaient 100 : ce n'est rien comparé à 200 000, me direz-vous... Mais à mes yeux, la mort d'une centaines de femmes qui ont une famille, des amis, bref, une vie, est bien plus importante que la mort d'un millier de foetus qui n'existent pas "socialement" et qui ne sentent (peut-être) pas la douleur et ne sont (peut-être) même pas conscients. Si on est croyant, alors ils ont une âme ; mais pour un athée, il me semble clair que cette vie potentielle n'a aucun rapport avec la vie d'un adulte... Ou même d'un enfant, d'ailleurs, mais je veux dire de quelqu'un qui est né et qui a tissé des liens avec son entourage. Un avortement n'a pas le même impact qu'un meurtre, tout comme faire une fausse-couche n'est pas perdre un enfant, même si cela peut être très douloureux. Même si le foetus est une vie au sens biologique du terme, ce n'est pas vraiment une vie au sens "plein"...

    D'ailleurs, il n'y a pas que dans le cadre de l'avortement que les bébés "en cours" ne sont pas considérés comme des individus. J'ai entendu l'histoire d'une femme enceinte ayant fait une fausse couche à cause d'un accident de voiture, et qui avait porté plainte pour meurtre contre le conducteur responsable de l'accident. Elle n'a pas eu gain de cause... Préjudice moral, oui, meurtre, non.

    Voilà pour l'inégalité d'importance entre la vie de la mère et la vie du foetus. De plus il est ridicule d'opposer en bloc 100 femmes mortes dans les années 60 à 200 000 foetus avortés dans les années 2000. Tout simplement parce qu'à ces femmes qui mourraient doivent s'ajouter toutes celles dont l'avortement clandestin réussissait...

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  28. Ensuite, bien sûr que chacun peut porter un jugement moral différent sur la même action, et d'ailleurs chacun le fait. Ce que j'ai à répondre, c'est que la loi ne définit pas ce qui est moral, mais ce qui porte préjudice à autrui. Je ne dis pas que la distinction est toujours nette, mais... Heureusement que la loi n'interdit pas ce qui est "immoral". Sinon quoi ? Les athées interdiraient aux cathos de forcer leurs enfants à aller à la messe le dimanche ? Les cathos interdiraient aux athées d'autoriser leurs filles mineures à prendre la pillule ? Et donc, le viol est illégal et l'homosexualité légale, même si on peut trouver les deux immoral. Parce que le viol nuit à autrui, pas l'homosexualité.

    Est-ce que l'avortement nuit à autrui ? Nous en sommes revenus au point de départ : est-ce que c'est une vie, un individu, un meurtre ? Je ne sais pas, mais je suis sûre d'une chose : c'est la "propriété" de la femme. Son corps, son choix : ce n'est pas un slogan, c'est une évidence pour moi...

    Tout cela m'évoque la cause pour les droits des animaux, si vous me permettez cette comparaison peu appétissante. Les militants ne sont pas seulement végétariens, ils veulent aussi faire interdire toute consommation de viande, parce qu'ils pensent que la vie d'un animal est toujours une vie, aussi importante que celle d'un humain. Et si vous leur dites qu'ils sont libres de ne manger que de la salade, et que manger de la viande n'est que votre choix, ils vous répondront que ça ne peut pas être un simple choix individuel puisque c'est un meurtre institutionnalisé. Moi, j'appelle ça du fanatisme... Et je n'ai rien contre les végétariens, je n'ai rien contre les femmes qui n'avortent pas, mais je veux garder le droit de considérer qu'un animal n'est pas un homme, et qu'une future vie n'est pas une vie.

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  29. Pour finir... Je m'en veux d'employer ce genre d'arguments qui font appel aux sentiments, à des choses non démontrables, mais cela me semble tout de même essentiel... Comme beaucoup d'hommes, vous voyez le sujet de l'avortement de manière très lointaine et très théorique.

    Pour un homme qui refuse de devenir père, il y a la possibilité de pousser sa compagne à avorter, et si elle refuse, il reste la fuite. Accident, imprudence, exception, peu importe : l'homme a toujours le choix, mais la femme ne peut pas fuir. Donc oui, le droit à l'avortement, c'est donner le choix aux femmes.

    De plus même pour un homme qui pour des raisons morales refuserait d'abandonner une femme enceinte, tout cela reste très lointain, parce que ce n'est pas dans son corps que cela se passe. Il me semble que votre manière assez légère de traiter les accidents de contraception en témoigne : vous savez qu'il y a un risque, mais vous ne le "réalisez" pas réellement. (Désolée si je me trompe complètement...)

    Vous allez me dire que mes leçons de féminisme n'ont rien à voir avec la question de savoir si l'avortement est un meurtre ou pas, etc. Peut-être. Mais là où je voulais en venir, c'est que, que vous le vouliez ou non, il y a cette différence entre hommes et femmes qui fait que vous pouvez vous permettre ce détachement philosophique, tandis que pour moi, c'est du concret. Retrouvez vous juste une fois en train de vous demander si vous n'êtes pas enceinte, avec un mec qui vous dit "si c'est le cas, tu avortes ou tu te démerdes", et le sujet cessera d'être un exercice de logique pour vous.

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  30. D'accord avec Clarissa.

    Juste une chose sur le problème de l'enfant dans la citadelle :

    Vous m'avez mal comprise. C'est un détail mais j'aime clarifier ce genre de détails.

    D'une part, je n'ai pas dit que j'agirais sous le coup de l'émotion. Au contraire, je pense que tout mon être se refuserait à cet acte, mais que j'espérais que j'aurais la force de le faire (faisant ainsi triompher ma raison sur mes émotions).

    D'autre part, j'ai dit que j'aurais probablement du mal à vivre avec. Je n'ai pas dit que j'aurais des remords.
    Prenons un autre exemple : j'ai connu deux deuils de personnes très proches ces dernières années. Un des décès était "attendu", l'autre était brutal et totalement inattendu.
    Dans les deux cas, j'ai ressassé très longtemps de terribles "et si..." et "j'aurais dû". Et si je lui avais parlé de telle chose au lieu de telle autre, j'aurais dû profiter davantage de mon temps avec lui, j'aurais dû faire ceci au lieu de cela, etc.

    Pour autant, est-ce que je considère que j'ai agi de manière immorale ? Absolument pas. J'ai tout un tas de raisons extrêmement valables de m'être comportée comme je l'ai fait.
    Ca ne m'empêche pas d'être triste et de rêver à des dénouements différents.

    Pour l'enfant dans la citadelle, c'est pareil. Je ne considèrerais pas que j'ai mal agi. Un acte terriblement triste et difficile à accepter n'est pas nécessairement immoral.

    Pour prendre un exemple encore différent, si vous tuez quelqu'un dans un accident de voiture, par la faute d'un autre conducteur, vous vous en souviendrez probablement toute votre vie. Vous vous demanderez toujours si vous auriez pu l'éviter.
    Avez-vous commis un acte immoral ? La plupart des gens (dont moi) répondraient que non.

    Un comportement ou un acte avec lequel on a du mal à vivre (comme un avortement - et d'après mon expérience, quasiment aucune femme n'en sort le coeur léger) n'est donc pas nécessairement immoral.

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  31. Ah, juste une autre chose pour renchérir sur le dernier commentaire de Clarissa : en effet, c'est un autre problème que j'ai avec votre point de vue.
    Il est basé sur des arguments très rationnels uniquement, et je peux me tromper, mais j'ai l'impression que vous vous en fichez quand même pas mal, au fond, du foetus.
    Votre opinion n'est ni issue d'un sentiment, ni d'une croyance, mais d'une suite d'équations.

    Or - et j'ai conscience que justement, ce que je vais dire n'a aucune valeur en tant qu'argument - en réalisant ça, mon coeur de femme se gonfle d'indignation et de colère.

    J'ai envie de dire "Mais qui est-il ? Qui est-il pour me dire que d'après ces calculs, la vie que je peux donner, la vie qui grandira dans mon ventre et pour qui, au moins pour un temps, je serai à moi seule l'univers, a telle nature, telle valeur, telle destin ? Lui qui n'aura jamais à tuer une vie comme celle-là, à la cracher en pleurant, qui est-il pour se croire apte à juger et condamner ?"

    Rien contre vous personnellement, bien sûr - mais voilà, cette approche a simplement le don de faire ressortir la bête en moi.
    C'est dingue, mais je crois que je préfère encore les cathos :D

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  32. Je vais tâcher de répondre à chacun des points que vous avez soulevés en vous citant. Je mettrai votre texte en italique et le nom de celle de vous deux que je cite entre parenthèses pour que vous sachiez à qui je réponds. Cela évitera certains malentendus dus à un manque de clarté de ma part en ce qui concerne celle de vous deux à qui je réponds et sur quel point exactement je lui réponds. Ne vous effrayez donc pas si ma réponse vous paraît exagérément longue, elle n'est pas aussi longue qu'elle en a l'air.

    Pour être tout à fait honnête, je ne sais pas combien de temps je vais répondre, parce que j'ai déjà pas mal ressassé le sujet et je n'ai pas envie d'en discuter pendant des heures, en tout cas pas "virtuellement"...

    Je vous aurez volontiers rencontré pour en discuter de vive voix, mais, hélas, je crains qu'il y ait un océan entre nous, et puis de toutes façons, je doute qu'après cela vous auriez eu envie de me voir... C'est une sorte de malédiction avec moi, je dis ce que je pense et généralement les gens n'aiment pas cela, ce qui me rend d'assez mauvaise compagnie auprès de la plupart d'entre eux :-)

    D'abord, vous supposez que la part d'accident de contraception dans les avortements est négligeable. Je connais 5 femmes qui ont avorté, et il s'agissait d'accidents de contraception pour 4 d'entre elles, la 5e je ne sais pas. C'est peut-être un hasard du à cet échantillon très réduit, mais je ne crois pas. Et en plus de cela, je connais plusieurs exemples de grossesses non désirées (mais qui ont été gardées) dues à des échecs de contraception. Alors non, je rejoins Brisby, je n'appelle pas "rare" quelque chose dont j'ai pu voir autant d'exemples sans même les chercher. (Clarissa)

    C'est ce qu'elles vous ont dit, mais vous n'avez aucun moyen de vérifier. Je ne dis pas d'ailleurs qu'elles ne vous ont pas dit la vérité, je n'ai aucun moyen de le savoir. Par contre, l'efficacité des moyens de contraception a fait l'objet de tests cliniques menés scientifiquement, lesquels ont établi que ces moyens étaient presque infaillibles lorsqu'ils étaient correctement utilisés et qu'ils restaient extrêmement efficaces dans le cadre d'une utilisation typique. Par exemple, la pilule est efficace dans 99,8% des cas lorsqu'elle est correctement utilisée, tandis que le préservatif masculin est efficace dans 98% des cas. Dans le cadre d'une utilisation typique, l'efficacité tombe respectivement à 92% et 85%, mais alors la faute incombe aux utilisateurs, ce qui d'ailleurs ne se limite pas aux femmes, puisque cela signifie qu'ils ont commis une négligence. Cf. http://fr.wikipedia.org/wiki/Efficacit%C3%A9_des_m%C3%A9thodes_de_contr%C3%B4le_des_naissances On ne peut pas se fonder sur un échantillon aussi réduit que le vôtre, sans véritable moyen de contrôle, pour établir quoi que ce soit. D'un autre coté, le caractère exceptionnel des grossesses dues à un accident de contraception, quand il n'est pas dû à une négligence de la part des utilisateurs, est un fait démontré scientifiquement.

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  33. Et ensuite, je ne pense pas qu'une imprudente "mérite" de devoir garder un enfant, même si elle a totalement négligé de ses protéger. Donc même si la contraception était fiable à 100%, ça ne me ferait pas changer d'avis. (Clarissa)

    Cela suppose que vous ne considériez pas l'avortement comme un meurtre à proprement parler, mais comme vous revenez sur cette question plus loin, j'en reste là pour l'instant. Je remarque seulement que vous supposez qu'elle n'a pas d'autre choix une fois qu'elle a porté à terme son enfant de le garder, ce qui n'est pas vrai, puisqu'elle peut toujours le confier à l'assistance publique. Vous me direz sans doute que le traumatisme lié à l'abandon d'un enfant est trop grand, je vous répondrai que cela vaut toujours mieux que de l'assassiner, ce qui nous ramène au premier point sur lequel je reviendrai.

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  34. Quant aux décès dus à l'avortement avant sa médicalisation/légalisation, les chiffres sont l'objet d'une bataille entre pro et anti bien sûr, mais ils doivent pouvoir se trouver. Quelques centaines par an en France dans les années 60, je crois. Il faut y ajouter les femmes qui ne mourraient pas mais pouvaient être blessées ou voir leur fertilité baisser à la suite d'une infection.

    Mettons qu'elles étaient 100 : ce n'est rien comparé à 200 000, me direz-vous... Mais à mes yeux, la mort d'une centaines de femmes qui ont une famille, des amis, bref, une vie, est bien plus importante que la mort d'un millier de foetus qui n'existent pas "socialement" et qui ne sentent (peut-être) pas la douleur et ne sont (peut-être) même pas conscients. Si on est croyant, alors ils ont une âme ; mais pour un athée, il me semble clair que cette vie potentielle n'a aucun rapport avec la vie d'un adulte... Ou même d'un enfant, d'ailleurs, mais je veux dire de quelqu'un qui est né et qui a tissé des liens avec son entourage. Un avortement n'a pas le même impact qu'un meurtre, tout comme faire une fausse-couche n'est pas perdre un enfant, même si cela peut être très douloureux. Même si le foetus est une vie au sens biologique du terme, ce n'est pas vraiment une vie au sens "plein"...
    (Clarissa)

    Laissons de coté la question de savoir combien de femmes exactement trouvaient la mort quand l'avortement était encore illégal, il me semble qu'en raison de l'affrontement idéologique entre les opposants et les partisans de sa légalisation, il sera très difficile d'obtenir des chiffres fiables. Cela dit, je crois que toute personne faisant preuve d'un minimum de bonne foi sera prête à reconnaître que ce chiffre peut difficilement dépasser 1% du nombre d'avortements pratiqués aujourd'hui, d'ailleurs vous-même avez mis la barre beaucoup plus bas, puisque vous suggérez de faire l'hypothèse qu'il représentait environ 0,05% du nombre d'avortements pratiqués aujourd'hui. De toutes façons, si l'avortement est un meurtre, les femmes qui sont mortes en voulant avorter sont mortes en commettant un crime. Par conséquent, il est indécent et absurde de chercher à justifier l'avortement en soulevant le problème de la mort de ces femmes, puisque ce serait comme dire qu'il faut légaliser un crime au motif qu'il est dangereux de le commettre si ce n'est pas dans les conditions adéquates... Vous essayer donc de montrer que l'avortement n'est pas un meurtre comme les autres, puisque en fait, comme je l'ai déjà dit, toute défense de l'avortement doit en passer par là.

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  35. Votre argument est que le foetus n'est pas un être humain au sens plein du terme, puisqu'il ne ressent pas la douleur, qu'il n'est pas conscient et qu'il n'a pas d'existence sociale. Je suis prêt à vous accorder les deux premiers points, for the sake of the argument, mais puisque vous insistez sur le fait que je ne suis pas une femme et que cela me conduit à négliger certains éléments du problème, permettez-moi de vous faire remarquer qu'en ce qui concerne votre troisième point, c'est vous qui négligez de prendre en considération quelque chose, à savoir qu'il est fort possible que le père ait déjà tissé un lien affectif avec le foetus, qu'il considère comme son enfant... Mais admettons même que ce ne soit pas le cas et qu'aucun homme ne ressente jamais aucune affection avec son enfant tant qu'il n'est pas né, auquel cas on peut effectivement dire que le foetus n'a aucune espèce d'existence sociale. Même dans ce cas, votre conclusion est à l'évidence fausse, puisqu'alors, vous devriez admettre qu'il n'est pas immoral de tuer un clochard qui n'a plus ni famille ni amis pendant qu'il est plongé dans un coma éthylique... Il n'est donc pas besoin d'être croyant pour arriver à la conclusion que l'avortement est un meurtre comme les autres.

    D'ailleurs, il n'y a pas que dans le cadre de l'avortement que les bébés "en cours" ne sont pas considérés comme des individus. J'ai entendu l'histoire d'une femme enceinte ayant fait une fausse couche à cause d'un accident de voiture, et qui avait porté plainte pour meurtre contre le conducteur responsable de l'accident. Elle n'a pas eu gain de cause... Préjudice moral, oui, meurtre, non. (Clarissa)

    Je me souviens de cette histoire qui remonte à il y a quelques années, l'enjeu était la reconnaissance juridique du statut du foetus, du moins c'est ce que tout le monde prétendait. En réalité, comme tous les juristes le savent, cette existence est déjà reconnue dans le droit actuel, dans la mesure où il incorpore un principe du droit romain qu'on appelle parfois l'infans conceptus. Ce principe dit exactement "infans conceptus pro nato habetur quoties de commodis ejus habetur", ce qui signifie "l'enfant conçu est tenu pour déjà né lorsqu'il s'agit de ses avantages". Le principe en question vise par exemple à éviter qu'un enfant se retrouve sans aucun droit sur la succession de son père quand celui-ci est mort alors que sa femme n'avait pas encore accouché. Puisque vous évoquez ce problème, je me permis de remarquer en passant que ce principe et le fait qu'il est fort raisonnable peut servir de fondement à un autre argument contre l'avortement, mais c'est une autre histoire. Ce qui est intéressant, c'est qu'en réalité le droit français a été rendu contradictoire par la loi sur l'avortement de 1975, ce dont ses promoteurs avaient parfaitement conscience, puisqu'on peut voir comment ils ont essayé de masquer le problème en étudiant la façon dont ils ont rédigé cette loi. Mais c'est de toutes façons hors de propos, puisque votre réponse n'est valable que si le législateur ne se trompe jamais, ce qui, vous en conviendrez, n'est évidemment pas le cas. Pour la petite histoire, personnellement j'ai commencé à me demander si j'avais raison d'être favorable à l'avortement le jour où, en lisant un traité de droit, je suis tombé sur l'infans conceptus.

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  36. De plus il est ridicule d'opposer en bloc 100 femmes mortes dans les années 60 à 200 000 foetus avortés dans les années 2000. Tout simplement parce qu'à ces femmes qui mourraient doivent s'ajouter toutes celles dont l'avortement clandestin réussissait... (Clarissa)

    Je ne suis pas sûr de comprendre votre remarque, peut-être suis-je passé à coté de quelque chose. En tout cas, je n'oppose pas cent femmes mortes dans les années 1960 à deux cent mille foetus avortés dans les années 2000, j'oppose les quelques centaines de femmes qui mourraient chaque année en essayant d'assassiner leur enfant si l'avortement était illégal aux deux cent mille enfants qui sont effectivement assassinés chaque année en France aujourd'hui.

    Ensuite, bien sûr que chacun peut porter un jugement moral différent sur la même action, et d'ailleurs chacun le fait. (Clarissa)

    Je n'ai pas dit que tout le monde portait le même jugement moral sur tous les sujets, j'ai dit que tout le monde portait le même jugement moral sur les questions fondamentales. Évidemment, sur beaucoup de questions, tout le monde ne porte pas le même jugement moral, mais c'est parce qu'il s'agit de sujets compliqués, comme l'avortement par exemple, qui impliquent de se lancer dans des raisonnements complexes sur lesquels il est facile de se tromper. Par contre, vous pouvez mener une enquête auprès d'un échantillon représentatif, consistant à demander si le fait de tuer un clochard momentanément plongé dans un coma éthylique et n'ayant aucune vie sociale devrait être puni, vous constaterez que la quasi totalité des gens vous interrogez vous répondront par la positive. Quant à ceux qui répondent autrement, vous pourrez constater que ce sont des cas pathologiques, qui présentent par ailleurs un trouble de la personnalité.

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  37. Juste une chose sur le problème de l'enfant dans la citadelle : Vous m'avez mal comprise. C'est un détail mais j'aime clarifier ce genre de détails. D'une part, je n'ai pas dit que j'agirais sous le coup de l'émotion. Au contraire, je pense que tout mon être se refuserait à cet acte, mais que j'espérais que j'aurais la force de le faire (faisant ainsi triompher ma raison sur mes émotions). D'autre part, j'ai dit que j'aurais probablement du mal à vivre avec. Je n'ai pas dit que j'aurais des remords. (Brisby, la souris)

    Je vous prie de m'excuser, comme je l'ai dit au début, je n'ai pas été clair dans mes précédents commentaires quant à celle de vous deux à qui je répondais à chaque fois. En l'occurrence, je répondais seulement à Clarissa, et j'avais complètement négligé de répondre à votre objection, pourtant intéressante. Si je me souviens bien, vous envisagiez la possibilité que, non seulement votre liberté, mais le sort de beaucoup d'autres gens, par exemple vos compatriotes, dépendent du succès de votre évasion. À cette objection je répondrai que, dans ce cas, votre situation n'est plus analogue à celle d'une femme qui se fait avorter, dans la mesure où, contrairement à cette dernière, ce n'est pas seulement votre liberté qui est en jeu, mais celle d'autres personnes.

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  38. Ah, juste une autre chose pour renchérir sur le dernier commentaire de Clarissa : en effet, c'est un autre problème que j'ai avec votre point de vue. Il est basé sur des arguments très rationnels uniquement, et je peux me tromper, mais j'ai l'impression que vous vous en fichez quand même pas mal, au fond, du foetus. Votre opinion n'est ni issue d'un sentiment, ni d'une croyance, mais d'une suite d'équations. (Brisby, la souris)

    En effet, vous vous trompez, car il n'est pas vrai que je me fiche du foetus. D'ailleurs, ce n'est pas très plausible comme hypothèse, car si c'était le cas, pourquoi diable perdrais-je mon temps à essayer de convaincre les gens autour de moi que l'avortement est criminel ? Pour le plaisir de les énerver et de les voir me traiter comme de la merde parce que je ne pense pas comme il faut ? Croyez-moi, vu comment les gens qui sont opposés à l'avortement sont traités en France et dans les milieux dits cultivés, je me passerais volontiers d'essayer de convaincre le reste du monde que l'avortement devrait être interdit. L'unique raison pour laquelle je le fais, c'est que dans la mesure où je crois que l'avortement est un meurtre, j'estime que c'est mon devoir d'essayer de convaincre les gens qu'il faudrait l'interdire, même si le moins que l'on puisse dire, c'est que cela ne contribue pas à me rendre populaire, en particulier auprès de la gente féminine... Mais surtout je ne comprends pas pourquoi vous persistez à opposer la logique et le sentiment comme vous le faites. Vous semblez penser que, parce que j'arrive à mes conclusion de manière logique, je ne peux pas les endossez avec mes tripes, mais je ne vois pas pourquoi il en serait ainsi.

    Je peux vous décrire exactement comment les choses se sont passées dans mon cas. J'étais favorable à l'avortement comme tout le monde parce qu'on m'avait répété que c'était un progrès, jusqu'à ce qu'un jour je commence à douter (en lisant un traité de droit, comme je l'ai dit plus haut). Ayant conçu quelque doute quant à la rectitude de mon jugement au sujet de l'avortement, j'ai commencé à chercher à justifier cette pratique, à la suite de quoi je me suis aperçu, par la logique en effet, qu'elle était injustifiable. Finalement, étant parvenu logiquement à la conclusion que l'avortement était un meurtre, je me suis mis à ressentir au sujet de l'avortement ce que je ressens au sujet de tous les meurtres, à savoir le dégoût le plus profond. Mais, encore une fois, je ne vous demande pas de me croire, après tout vous n'êtes pas dans ma tête, ce qui est sans doute heureux d'ailleurs. Simplement, cela n'a aucune espèce d'importance, tout comme le fait de savoir que je suis un homme : quand bien même je me ficherais du foetus, comme vous dites, je ne vois pas en quoi cela voudrait dire que j'aurais tort. Un psychopathe a beau être complètement indifférent au malheur d'autrui, il n'en est pas moins possible qu'il ait raison dans une discussion qui porte sur la morale. Je suis sûr que cela a dû arriver même à quelqu'un comme Staline, auquel cas il aurait été tout à fait hors de propos de lui répondre que de toutes façons c'est un salop qui a fait assassiner des millions de gens, sans compter qu'il avait la fâcheuse tendance d'envoyer ses contradicteurs faire un tour en Sibérie voir ce qui s'y passait.

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  39. C'est dingue, mais je crois que je préfère encore les cathos :D (Brisby, la souris)

    Quand je vous dis que j'ai un don pour me faire des amis :-)

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  40. Sur mon dernier post :

    D'une part je n'ai pas dit que "parce que [vous arrivez] à [vos] conclusions de manière logique, [vous] ne [pouvez] pas les endosser avec [vos] tripes". J'ai dit que ça ne semblait pas être le cas, en précisant "corrigez-moi si je me trompe".

    D'autre part j'ai également précisé que je n'énonçais pas là un argument valable. J'expliquais simplement quelque chose qui me semblait intéressant : j'ai du mal à considérer sérieusement une opinion qui me semble déconnecter du concret et du charnel, lorsque le sujet débattu est pour moi profondément charnel.

    J'avoue que je vais arrêter là : trop long, trop stérile (ha, ha)...

    Pour être tout à fait honnête, je trouve effectivement cette conversation fatigante. Je vous le dis en toute amitié, ce qui me dérange dans votre discours, c'est
    a) le caractère définitif de la quasi-totalité de vos affirmations (qui pourtant, ne sont pas toujours solides à mon sens)
    et b) le fait qu'il en ait deux (plus trois présupposés) dans chacune de vos phrases ;) Trop touffu !

    Par contre, le commentaire sur les cathos était plus une blague qu'autre chose. En réalité, je trouve que les catholiques sont souvent des gens charmants et éduqués avec qui il est plaisant de discuter, vous ne tombez donc pas plus bas que terre ;)

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  41. Je prévoyais qu'on me réponde que si il y a droit à l'avortement, cela arrivera que des hommes voient "mourir" des bébés qu'ils auraient préférer garder... Oui, effectivement. Mais je pense que cela arrive beaucoup moins souvent que tous les autres cas de figure. Et puis je considère que puisque la femme porte l'enfant, son droit de décider doit passer avant.

    Un autre détail, vous parlez de la possibilité d'abandonner l'enfant. Mais outre que beaucoup de femmes considéreront l'abandon comme pire encore que l'avortement, pour elles et/ou l'enfant, il faut bien mener la grossesse à terme dans ce cas-là. Concevable à partir d'un certain âge, dans certaines situations, mais peut-être insurmontable pour une lycéenne ou pour une femme dont l'emploi est précaire, par exemple.

    Enfin, il me semblait évident que quand je parlais d'erreurs de contraception, les "négligences" et autres erreurs d'utilisation étaient compris dedans. Quand je parle d'accidents de pilule par exemple, évidemment il s'agit plus souvent d'une pilule oubliée, ou vomie, ou prise le mauvais jour, ou je ne sais quoi, que parfaitement bien prise mais inefficace.

    Dernière chose, il en faut beaucoup pour m'énerver ou me vexer, dès lors que les gens ont un minimum de courtoisie et d'argumentation...

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  42. J'expliquais simplement quelque chose qui me semblait intéressant : j'ai du mal à considérer sérieusement une opinion qui me semble déconnecter du concret et du charnel, lorsque le sujet débattu est pour moi profondément charnel. (Brisby, la souris)

    Je dois vous avouer que je ne comprends vraiment pas en quoi mon opinion serait déconnectée du "concret et du charnel" : mon opinion est que l'avortement est un meurtre, et par conséquent que cela devrait être interdit. Cela me semble au contraire tout ce qu'il y a de plus concret. Si ce que vous voulez dire, c'est que pour arriver à cette conclusion, je me suis appliqué à n'utiliser que des arguments rationnels, je vous le concède bien volontiers, mais jusqu'à preuve du contraire, on n'a jamais vu personne raisonner avec ses tripes. D'ailleurs, pour tout vous dire, je trouve quelque peu paradoxal pour une féministe de critiquer cette façon de discuter, qui repose sur l'emploi d'arguments logiques. En effet, qu'est-ce que le féminisme, sinon la volonté de remettre en cause certaines inégalités sociales et économiques fondées sur le sexe, au motif que ces inégalités ne peuvent pas être rationnellement justifiées ?

    Si vous refusez de vous soumettre aux règles d'une discussion rationnelle pour régler les questions de société, il ne reste que la force, or je crains qu'elle ne joue pas en votre faveur. Si vous en doutez, je vous recommande le documentaire récemment diffusé sur Arte, la cité du mâle , grâce auquel vous pourrez apprécier le sort réservé aux femmes quand on ne règle pas ces questions à coup d'arguments, mais à coup de sentiments et de baffes dans la gueule. Croyez-moi, si vous aviez affaire aux australopithèques qu'on voit dans ce documentaire, vous regretteriez assez vite mes subtilités de logicien... J'ai souvent droit à ce reproche quand je discute de cette question, et je réponds toujours la même chose : vous ne voulez pas discuter rationnellement, soit, mais alors ne venez pas me dire à moi que je suis un obscurantiste, et ne vous posez pas en représentants du progrès face au fanatisme.

    Par contre, le commentaire sur les cathos était plus une blague qu'autre chose. En réalité, je trouve que les catholiques sont souvent des gens charmants et éduqués avec qui il est plaisant de discuter, vous ne tombez donc pas plus bas que terre ;) (Brisby, la souris)

    Je peux toujours creuser si c'est que vous voulez :-)

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  43. Je prévoyais qu'on me réponde que si il y a droit à l'avortement, cela arrivera que des hommes voient "mourir" des bébés qu'ils auraient préférer garder... Oui, effectivement. Mais je pense que cela arrive beaucoup moins souvent que tous les autres cas de figure. Et puis je considère que puisque la femme porte l'enfant, son droit de décider doit passer avant. (Clarissa)

    Quand j'ai mis en avant l'éventuelle souffrance du père, je n'étais pas en train de vous soumettre un argument contre l'avortement, je vous faisais seulement remarquer qu'il était hors de propos de m'objecter que j'étais un homme. En effet, si vous pouvez me dire que, de ce fait, il m'est impossible de comprendre ce que ressent une femme qui se retrouve enceinte, de mon coté je peux fort bien vous faire une réponse de la même eau, en arguant que vous ne pouvais pas comprendre ce que ressens un homme quand sa compagne lui annonce qu'elle va tuer son enfant.

    J'aurais également pu vous faire remarquer que toutes les femmes ne sont pas de votre avis et qu'il y a des femmes qui sont opposées à l'avortement. Par exemple, Elizabeth Anscombe, l'un des plus grands philosophes du XXième siècle, était farouchement opposée à l'avortement. Certes, elle était catholique, mais elle ne s'appuyait pas sur sa religion pour critiquer l'avortement, au contraire, elle avançait des arguments rationnels du même genre que les miens, qui vous semble pourtant caractéristiques de quelqu'un qui jette un regard détaché sur cette question du fait que c'est un homme.

    Je ne discute pas l'importance des inconvénients que peut avoir une grossesse pour une femme, ni la réalité de la souffrance qu'un avortement peut entraîner chez le père de l'enfant : quoi qu'il en soit, ni ces inconvénients, ni cette souffrance ne peuvent justifier l'avortement, pas davantage qu'ils peuvent le condamner. En effet, si l'avortement est un meurtre comme les autres, les inconvénients pour la femme, aussi réels qu'ils puissent être, ne sauraient en aucun cas justifier un tel crime. Au contraire, si l'avortement n'est pas un meurtre, alors la souffrance du père, aussi réelle soit-elle, ne peut pas justifier l'interdiction de cette pratique.

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  44. Un autre détail, vous parlez de la possibilité d'abandonner l'enfant. Mais outre que beaucoup de femmes considéreront l'abandon comme pire encore que l'avortement, pour elles et/ou l'enfant, il faut bien mener la grossesse à terme dans ce cas-là. Concevable à partir d'un certain âge, dans certaines situations, mais peut-être insurmontable pour une lycéenne ou pour une femme dont l'emploi est précaire, par exemple. (Clarissa)

    Encore une fois, si l'avortement est un meurtre, aucun des inconvénients que vous citez ne pourrait le justifier. Ils constituent en revanche une excellente raison de mettre en place des structures de soutien aux femmes enceintes, mesure à laquelle je suis extrêmement favorable, mais on préfère dépenser l'argent public pour faire la promotion de l'assassinat de masse dans le métro. Il vous reste donc toujours à démontrer que l'avortement n'est pas un meurtre, ce qui à mon avis est impossible. En tout cas, jusqu'à présent, le seul argument que vous avez présenté en ce sens, à savoir le fait que le foetus n'a pas d'existence sociale, quand bien même on concèderait que c'est vraiment le cas, ce qui suppose de nier la possibilité que le père ait pu tissé des liens affectifs avec son enfant avant qu'il soit né, n'est pas concluant, parce qu'il vous forcerait à admettre qu'il ne devrait pas être interdit de tuer un clochard qui n'a plus ni famille ni amis.

    Dernière chose, il en faut beaucoup pour m'énerver ou me vexer, dès lors que les gens ont un minimum de courtoisie et d'argumentation... (Clarissa)

    Je ne pensais pas à vous en disant cela : croyez-moi tout le monde n'est pas comme vous. Je suis généralement assez courtois et pas du genre à ne pas argumenter, mais cela n'empêche pas la plupart des gens avec qui je discute de cette question, en particulier ceux qui s'imaginent être particulièrement intelligents et cultivés, de s'énerver et de me traiter comme de la merde, alors qu'ils sont incapables de me répondre. Encore une fois, cela n'a rien à voir avec vous, mais vous devez tout de même admettre qu'en France, aucun débat sur l'avortement n'est permis.

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  45. Brisby, afin d'éviter tout malentendu, je voudrais préciser que je sais que vous ne m'avez pas traité d'obscurantiste. Je répondais seulement à la vulgate officielle sur l'avortement, selon laquelle c'est une conquête du progrès sur le fanatisme.

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  46. J'étais en train de répondre à plusieurs choses, mais j'ai réalisé qu'elles se rejoignaient en une... Sur le fait de "comprendre ce que ressens une femme enceinte" comme sur l'addition (pas l'opposition, l'addition) des "tripes" à la logique... Vraiment, tout cela peut se résumer en peu de lignes :

    L'avortement est un sujet qui concerne intimement, prioritairement, les femmes, et qu'elles seules peuvent comprendre à 100% parce qu'elles seules ont toutes les pièces du puzzle. Qu'elles soient pour ou contre. Quand on discute d'avortement avec un homme, au bout d'un moment, on bute toujours sur cette barrière. Qu'il soit pour ou contre. Et ce qui est pénible, c'est que la majorité d'entre eux refusent de l'admettre.

    Évidemment je ne vous dis pas de changer d'avis ni de ne pas avoir d'avis. Et je ne dis pas que les sentiments doivent primer sur la raison, ni rien de ce genre. Je vous dis de rester prudent, parce que pour toute votre logique, vous devriez réaliser qu'il y a une dimension du sujet qui vous échappe.

    Effectivement, c'est une dimension "charnelle", mais pour moi ce n'est pas une opposition tripes/raison, simplement connaissance d'un sujet de l'intérieur et connaissance d'un sujet de l'extérieur...

    La seule comparaison qui me vient à l'esprit m'embête un peu, parce qu'elle est aussi polémique, mais tant pis. Prenons le mariage homo, ou même la pratique de l'homosexualité en général. Tout le monde peut avoir son avis, et être pour ou contre (ou s'en foutre...), etc. Mais certaines personnes ont comme objection que les homos ne s'aiment pas, ne peuvent pas s'aimer. Ah bon... Parce qu'ils sont dans leurs têtes ? Ils ont eu des vies antérieures gays ? Vous voyez l'idée : il y a une différence entre avoir un avis sur l'homosexualité et se prétendre capable de comprendre le sujet de l'intérieur.

    Et il n'y a rien de plus agaçant que de parler avec une femme de vingt ans née en France qui se croit capable de parfaitement comprendre un homme de soixante ans né au Népal...

    Enfin, je reviendrai peut-être à votre clochard mais il n'est plus l'heure...

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  47. J'étais en train de répondre à plusieurs choses, mais j'ai réalisé qu'elles se rejoignaient en une... Sur le fait de "comprendre ce que ressens une femme enceinte" comme sur l'addition (pas l'opposition, l'addition) des "tripes" à la logique... (Clarissa)

    Si ce que nous disent nos tripes ne font que s'ajouter à la logique, sans s'y opposer, je vois mal comment cela pourrait remettre en question les conclusions de cette dernière. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que nous ne sommes pas des êtres tout de logique, ce qui serait parfaitement ridicule, je sais bien que nous n'avons pas aussi des mouvements de passion. Mais ce que nous disent nos tripes n'est d'aucune aide pour régler les questions de société. Par exemple, quand j'entends Edwy Plenel débiter ses conneries à la télévision, je me dis que je pourrais passer mes journées à lui cogner sur la gueule sans jamais m'en lasser. Toutefois, si j'ai raison et qu'Edwy Plenel a tort, ce n'est parce qu'à chaque fois que je vois sa tête de fouine apparaître sur un plateau de télévision, je ressens l'irrésistible envie de lui écraser mon poing sur la gueule, c'est parce que ce qu'il dit est stupide et qu'il me serait facile de le montrer. Bon, je ne suis vraiment pas sûr que cette dernière remarque soit très pertinente, mais elle m'a donné l'occasion de vomir un peu Edwy Plenel, ce qui ne peut pas être une mauvaise chose.

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  48. L'avortement est un sujet qui concerne intimement, prioritairement, les femmes, et qu'elles seules peuvent comprendre à 100% parce qu'elles seules ont toutes les pièces du puzzle. Qu'elles soient pour ou contre. Quand on discute d'avortement avec un homme, au bout d'un moment, on bute toujours sur cette barrière. Qu'il soit pour ou contre. Et ce qui est pénible, c'est que la majorité d'entre eux refusent de l'admettre.
    [...] Je vous dis de rester prudent, parce que pour toute votre logique, vous devriez réaliser qu'il y a une dimension du sujet qui vous échappe. Effectivement, c'est une dimension "charnelle", mais pour moi ce n'est pas une opposition tripes/raison, simplement connaissance d'un sujet de l'intérieur et connaissance d'un sujet de l'extérieur...
    [...] Et il n'y a rien de plus agaçant que de parler avec une femme de vingt ans née en France qui se croit capable de parfaitement comprendre un homme de soixante ans né au Népal...
    (Clarissa)

    Laissez-moi d'abord remarquer qu'il n'est pas vrai que les femmes maîtrisent toutes les pièces du puzzle dans le cas de l'avortement, puisqu'elles ne pourront jamais comprendre ce que ressent un homme à qui on annonce qu'on va tuer son enfant qui n'est pas encore né. Cela dit, je n'ai jamais voulu dire qu'un homme était capable de comprendre tout ce qui se passait dans la tête d'une femme, encore moins d'une femme enceinte. Pour ce qui est de mon cas personnel, je pourrais même ajouter que je suis généralement tout à fait incapable de comprendre quoi que ce soit de ce qui se passe dans la tête d'une femme (je préfère d'ailleurs ne pas savoir ce qui se passe dans la vôtre en ce moment), mais cela ne concerne en rien le sujet dont nous discutons, comme je m'en explique plus loin. Donc, si vous voulez me faire dire qu'il y a une dimension "charnelle" à tout problème, en particulier celui de l'avortement, vous n'avez pas besoin de vous fatiguer, j'en suis déjà convaincu.

    D'autre part, vous semblez penser que si vous butez sur une barrière en discutant avec moi, c'est dû au fait que je suis un homme. Mais pourtant vous n'auriez pas vu la différence si, au lieu de moi, vous aviez discuté avec Elizabeth Anscombe (à ceci près qu'elle vous aurait peut-être déjà convaincue), dans la mesure où elle vous aurait opposé, sinon exactement les mêmes arguments, du moins des arguments du même genre. Pourtant, Elizabeth Anscombe était une femme et, comte du nombre d'enfants qu'elle a eu, elle avait une petite idée de ce que cela signifiait d'être enceinte. Pour reprendre vos termes, ce n'est pas qu'une question de logique pour elle, mais cela n'empêchait pas que lorsqu'il s'agissait de convaincre les autres, alors ce n'est plus qu'une question de logique pour elle comme pour n'importe qui d'autre.

    Enfin, vous dites que lorsque vous discutez avec un homme de la question de l'avortement, vous butez toujours sur une barrière, ce qui est d'autant plus pénible qu'il refuse de reconnaître l'existence de cette barrière, qu'il soit pour ou contre l'avortement. D'abord, si par reconnaître l'existence d'une barrière, vous voulez dire reconnaître le fait qu'un homme ne peut pas comprendre ce que vit une femme enceinte, je n'ai en ce qui me concerne aucune difficulté à l'admettre, mais, comme je l'ai déjà dit, c'est selon moi complètement hors de propos. Et puis, dans le cas des hommes, je vous soupçonne d'avoir ajouté votre "qu'il soit pour ou contre" uniquement par acquit de conscience. En effet, je doute que vous soyez souvent agacée par les hommes qui sont favorables à l'avortement, ni d'ailleurs que vous ayez l'impression de vous heurter à une quelconque barrière avec eux :-)

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  49. La seule comparaison qui me vient à l'esprit m'embête un peu, parce qu'elle est aussi polémique, mais tant pis. Prenons le mariage homo, ou même la pratique de l'homosexualité en général. Tout le monde peut avoir son avis, et être pour ou contre (ou s'en foutre...), etc. Mais certaines personnes ont comme objection que les homos ne s'aiment pas, ne peuvent pas s'aimer. Ah bon... Parce qu'ils sont dans leurs têtes ? Ils ont eu des vies antérieures gays ? Vous voyez l'idée : il y a une différence entre avoir un avis sur l'homosexualité et se prétendre capable de comprendre le sujet de l'intérieur. (Clarissa)

    Je suis bien content que vous ayez pris cet exemple, parce que votre remarque va me permettre d'expliquer ce que je voulais dire, quand plus haut j'ai répété que ce que ressentaient les femmes lorsqu'elles étaient enceintes était absolument hors de propos. En ce qui me concerne, je dois vous avouer que j'ai tendance à m'en foutre du mariage homosexuel, donc je n'ai pas vraiment d'avis sur la question, d'autant que je n'y ai jamais réfléchi sérieusement. Tout au plus, je me souviens avoir trouvé les deux pédés qui s'étaient marié à Bègles parfaitement risibles, Mamère ayant mis le comble au ridicule en se fendant d'une petite larme et de trémolos dans la voix. Mais cela ne tenait qu'aux circonstances particulières de cet événement et à sa mise en scène, pour le reste ma réaction instinctive est que si les pédés veulent se marier, on n'a qu'à les laisser se marier. J'ajoute en passant qu'il est inutile de vous imaginer que je suis homophobe parce que j'utilise le mot "pédé" pour parler des homosexuels. Mon père est transsexuel et je ne l'en aime pas moins, alors ce ne sont pas quelques pédés qui vont m'effrayer :-) Si j'utilise le mot "pédé", c'est uniquement parce que je trouve que le mot "homosexuel" a quelque chose d'un peu trop solennel et que j'estime que le mot "gay" est atroce. D'un autre coté, je trouve que le mot "gouine" est vulgaire, alors que "lesbienne" me convient tout à fait parce qu'il n'a pas la lourdeur du terme "homosexuel". Bref, il n'y a là rien de plus que mon désir de ne pas mutiler la langue française avec des mots comme "gay", un peu comme il me vient des pensées homicides quand je lis des mots comme "auteure" ou "professeure" sous la plume d'un journaliste qui croit s'acquitter ainsi d'un devoir envers le beau sexe.

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  50. Je reviens à ce que vous disiez après cette digression parfaitement inutile et par conséquent tout à fait indispensable. Je disais donc que votre parallèle me semblait tout à fait intéressant. En effet, si quelqu'un objecte à un partisan du mariage homosexuel qu'il ne devrait pas être autorisé, en expliquant qu'il est impossible à deux personnes du même sexe de s'aimer, cette personne ne manque pas seulement d'imagination, elle est tout simplement complètement stupide. En effet, comme vous l'avez dit vous-même, pour qu'elle puisse savoir cela, il faudrait qu'elle soit dans leur tête, ce qui évidemment est impossible. Pourquoi faudrait-il qu'elle soit dans la tête des homosexuels ? Parce que son affirmation porte, non pas sur un fait objectif, mais sur ce que ressentent les gens qui sont attirés par les personnes du même sexe. Au contraire, dans le débat qui nous oppose, la question n'est pas de savoir ce que ressentent les femmes enceintes, mais de savoir si l'avortement est un meurtre, ce qui n'a rien à voir avec ce que ressentent les femmes enceintes. Voilà pourquoi il me semble que peux fort bien discuter avec vous de la question de l'avortement, en dépit du fait que je sois tout à fait incapable d'imaginer ce que ressens une femme lorsqu'elle est enceinte. La question dont nous débattons n'a tout simplement rien à voir avec ce qu'elle peut ressentir : il s'agit de savoir si oui ou non l'avortement est un meurtre.

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  51. Enfin, je reviendrai peut-être à votre clochard mais il n'est plus l'heure... (Clarissa)

    Je vous propose d'appeler mon clochard Jean-Louis : après tout, déjà qu'il n'a plus ni famille ni amis, on ne va pas en plus le priver d'un prénom. Donc, je pense en effet que ce serait une excellente idée de revenir à Jean-Louis, parce qu'il me semble qu'il est au coeur du problème, bien que lui non plus n'ait pas la moindre idée de ce que peut ressentir une femme enceinte. D'ailleurs, il n'a pas la moindre idée tout court, puisqu'il est momentanément plongé dans un coma éthylique.

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  52. Je vais vous paraître méchante, mais je ne pense pas qu'il y a grand chose à comprendre au sujet de l'homme dont la compagne avorte. Oh, je ne doute pas que quelques uns sont choqués. Mais quand je vois que la majorité des pères disent ne pas avoir pleinement pris conscience de l'existence de l'enfant à naître avant de le sentir bouger, ou parfois même avant de le tenir dans leurs bras...

    Pour le clochard, je dirais juste que même sans amis et famille, il a toujours une existence sociale, dans le sens ou il a fait et fait toujours partie de la société. C'est bien pour ça qu'on a des services sociaux qui essaient de les aider. De plus, même si son existence ne compte plus pour personne, il a vécu, elle compte pour lui-même. Deux choses qui le différencient d'un embryon. Personnellement, la date limite d'avortement en France me convient, puisqu'il me semble qu'elle se base sur la formation du système nerveux et donc sur le moment où il est le plus probable que l'enfant prenne conscience d'exister.

    Pour le reste à vrai dire, je suis plus que lassée du sujet, donc il est temps que j'arrête d'y consacrer des heures... (Car mes messages sont moins longs, mais ils me prennent beaucoup de temps, je n'arrive pas à bâcler.)

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  53. J'ai trop de boulot pour vous répondre tout de suite, mais je ne manquerai pas de le faire dès que j'aurai un peu de temps. De toutes façons, je crois comprendre que vous accueillerez cette pause avec soulagement, car en effet cette discussion prend beaucoup de temps. Et puis cela permet de ménager le suspens (qu'adviendra-t-il de Jean-Louis ?) pour ceux qui suivent notre débat, même si, rendus à ce point, nous aurions sans doute du mal à remplir le Stade de France.

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  54. Comme promis, je reviens pour reprendre notre discussion, en particulier sur Jean-Louis. Rappelez-vous ce que vous avez dit et qui m'a conduit à introduire Jean-Louis dans notre discussion : la vie d'un foetus vaut moins que celle d'une femme, car contrairement à cette dernière, il ne sent pas la douleur, n'est pas conscient et il n'a pas d'amis, de famille, etc. Il me semble clair, mais dites moi si je me trompe, que ce que vous vouliez dire, c'est que l'avortement n'est pas un crime, car le foetus ne peut pas en souffrir et que, puisqu'il n'a pas d'amis, de famille, etc., personne d'autre ne peut en souffrir. En d'autres termes, il ne sera regretté par personne, sauf peut-être par sa mère. C'est moi qui nous a mis sur une mauvaise voie en parlant de l'absence d'existence sociale. Maintenant, vous m'objectez que, dans le cas de Jean-Louis, celui-ci a fait et fait toujours partie de la société, puisqu'il est notamment pris en charge par les services sociaux. Mais cela ne veut pas dire qu'il serait regretté si quelqu'un venait à le tuer. Il me paraît évident qu'il y a en France des milliers de clochards qui ne seraient regrettés par personne s'ils venaient à mourir. On peut également imaginer le cas d'un naufragé dont tous les proches sont morts si l'on veut quelqu'un qui n'a vraiment plus aucune existence sociale et qu'il serait néanmoins criminel de tuer.

    D'ailleurs, comme vous avez conscience de cela, vous avancez un autre argument, à savoir que "même si son existence ne compte plus pour personne, il a vécu, elle compte pour lui-même". Je dois vous dire que, bien que j'aime beaucoup cette réponse, parce que je n'y avais pas pensé et qu'on ne me l'avait pas encore faite, je ne crois pas qu'elle suffise. D'abord, il est tout à fait possible, sinon probable, que Jean-Louis soit dépressif et qu'il considère que sa vie n'a aucune valeur, sans pour autant qu'il ait songé à mettre fin à ses jours. Mais surtout, c'est le point le plus important, quand bien même Jean-Louis serait un fringuant clochard, parfaitement heureux de vivre, mais qui aime simplement se mettre une cuite de temps à autre (qui pourrait lui donner tort ?), il ne peut pas se regretter lui-même une fois qu'il est mort, puisque précisément il est mort. Donc l'argument échoue, puisque dans son cas comme dans celui du foetus, il est possible qu'il ne souffre pas quand on le tue, qu'il n'ait même pas conscience qu'on le tue et que personne ne le regrette une fois qu'il est mort. En particulier, il ne se regrettera pas lui-même, si je puis dire, puisque pour regretter quelqu'un, il faut soi-même être vivant.

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  55. Désolée, ce n'était pas une pause pour moi ! Ca a tourné en débat de sourds et plus rien de nouveau n'est avancé, il faut savoir arrêter les frais... Si jamais vous traversez l'océan, je suis prête à voir si c'était internet qui nous empêchait de nous comprendre correctement. En attendant...

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  56. Je suis inconditionnellement favorable à l'avortement. Il a été pratiqué depuis la nuit des temps. Il existe depuis toujours des plantes abortives, encore utilisées de nos jours dans certaines tribus dites primitives (amazoniennes par exemple).

    Juste pour dire qu'à l'heure actuelle et avec les techniques les plus récentes, un prématuré de moins de 4 mois et demi n'est en général pas viable, et que s'il l'est c'est un handicapé à vie, avec le Q.I. d'une moule.

    Il me semble par conséquent qu'on ne puisse pas appeler "meurtre" l'élimination d'un être qui de toutes façon de serait pas viable. L'avortement n'est de toutes façons pas un meurtre pour moi, personnellement.

    Quoi qu'il en soit, un embryon c'est cela:
    http://bp3.blogger.com/_G65BVHiAVxw/R0wL5U-AiaI/AAAAAAAAAME/qPiOsAcCGUg/s1600-h/hednktoc.jpg
    Et il ne me parait pas qu'on puisse appeler cet amas de cellules un humain. Je vois mal de quel meurtre il pourrait s'agir. D'une grenouille?

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